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débat Sego/Sarko : petite victoire "de prestige" ? pour qui ?

Publié le

L’enjeu d’un débat du second tour n’est pas de mettre K.O debout son adversaire. Il s’agit de convaincre les hésitants tout en ne perdant rien de son électorat du premier tour.  Dans la manière, le but d’un tel débat n’est pas de se laisser marcher sur les pieds, ni d’imposer son verbe. Il y a souvent deux types de victoires au bout d’un tel débat. Toutes deux de prestige : il y a la victoire de l’homme, il y a la victoire politique. Rassurer son électorat d’une part, faire valoir son programme d’autre part. Convaincre, Séduire. Deux poids deux mesures. Un petit travail de funambule…

Entre Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy il n’y eut pour ainsi dire aucune victoire...ou si peu. L’une a joué la carte de l’élargissement et du rassemblement des gauches, l’autre a campé sur ses positions.  L’une a voulu séduire, l’autre a voulu convaincre. Ségolène Royal prétendait donc à la victoire politique mais elle n’a pas été suffisamment précise sur son projet. Nicolas Sarkozy prétendait à la victoire de l’homme, en maintenant ses convictions et ses choix du premier tour, en restant tel qu’il est, en restant intègre vis-à-vis à la fois de ses électeurs et de son programme. Royal a marché sur son terrain en jouant davantage la carte du cœur. Elle a plus que rôdé son discours depuis quatre semaines, avec notamment un débit de parole plus vif et une intonation de voix enfin là pour mettre en valeur tel ou tel mot, tel ou tel concept de gouvernement. Nicolas Sarkozy a donc eu affaire à quelqu’un de plus redoutable que ce qu’en disait les médias : la femme forte, sincère, compassionnelle et engagée de tout son coeur.

Après qu’ils se soient jaugés l’un l’autre pendant les vingt premières minutes, à coups de respect mutuel et de respect des prises de parole, le débat a tourné un peu plus sec à l’approche de la demi-heure. Sans doute une stratégie de Ségolène Royal puisque c’est elle qui créée le « précédent », celui qui imprimera la tournure de tout le reste du débat. Invectivé par la compassion et la voix du cœur de Madame Royal à propos de la scolarisation des personnes handicapées, Nicolas Sarkozy commence quelque peu à fléchir. Plus que pour ses idées, Sarko est attaqué sur son « grand écart entre le discours et les actes » constaté par Ségo. Madame Royal jouera-t-elle la carte de l’accusation de démagogie jusqu’au bout ?  Toujours est-il que c’est sur le bilan du gouvernement UMP et cet écart discours/actes que Sego fait monter vivement le ton. Sarko voudrait améliorer la scolarisation des handicapés alors que son gouvernement aurait « supprimé les aides pour les accueillir ». Très désarçonné, Sarko montre un bon sang-froid en mettant sur le dos de Madame Royal son absence de….sang-froid, dommageable selon lui lorsque l’on prétend être « Président de la République ». Réponse de Madame Royal : « il y a des colères saines ». Sarko sera alors attaqué sur son « immoralité », son « mensonge ». Il semble ne pouvoir répondre comme il le voudrait, il semble un brin calculateur voire hésitant, peut être parce qu’en face de lui il y a une femme « en colère, en révolte » (dixit Ségo) qui appuie de tout son cœur ce qu’elle dit, aussi parce qu’il y a une femme, qu’un homme se doit de ne pas agresser vebalement. A partir de cette demi-heure de débat, fatidique, Sarko jouera la carte de la victimisation. Ce qui est une meilleure stratégie que d’attaquer verbalement….une femme (il risquerait de se montrer encore plus immoral). Ségo tient une perche, elle le sait, elle se tient désormais les coudes à plein sur la table, comme pour montrer combien elle va marcher sur le terrain de Sarko. L’immigration ? « J’estime qu’arrêter un grand-père devant l’école de son petit-fils est inacceptable dans la République française », lance-t-elle à propos d’un grand-père arrêté parce que n’ayant pas de papiers. Sarko, assiégé quelque peu, va alors s’en tenir à son programme et jouera ce jeu jusqu’au bout, à quelques rares exceptions près. Il redit alors tout ce qu’il avait dit et qui lui avait permis ses 31% de suffrages. Ségo se permet alors d’entrecouper sa parole de temps en temps, non, c’est sûr….il n’y aura plus de victoire par K.O. Si Madame Royal se « révolte » sur tout, ce sera contre-productif. On attaque alors de nouveau sur les programmes. Madame Royal affirme redonner les 5000 postes d’enseignants supprimés pour la rentrée prochaine…mais manque de s’ériger suffisamment en porte-drapeau des enseignants, qui manifestent pourtant en ce moment contre les mesures de l’UMP. Sarko songe à faire régler par la justice l’accès aux places en crèche….Ségo affiche son dédain : « les femmes ont autre choses à faire que d’aller devant un tribunal pour demander des places en crèche…il faut créer les structures, Monsieur Sarkozy ». Sarko veut de la relance keynésienne dans l’économie….Ségo oppose ses 500 000 emplois tremplins et ses emplois nouveaux dans les biotechnologies. Sarko veut des logements sociaux….Ségo s’indigne devant le faible taux de tels logements sociaux dans la commune dont s’occupe Monsieur Sarkozy, Neuilly-sur-Seine. Sarko veut le tout nucléaire….Ségo veut augmenter la part des énergies renouvelables. Sarko veut l’EPR…Ségo pense plutôt au prototype finlandais, non plus de 3ème mais de 4ème génération (production de nucléaire civil).

Dans l’ensemble, Sarkozy s’est beaucoup servi des divergences Holland/Royal et des échecs mitterrandistes voire jospinistes, tout en ne casant dans son discours que des paroles qu’il soutient depuis la naissance de son programme, sans fléchissement vers les idées de Ségolène Royal, sans aveux véritables de convergences de vue envers elle. Il aura sans doute convaincu sa base électorale, 31%, mais restera peut être vain quant à rallier plus de la moitié des électeurs bayrouistes et lepénistes. Car son discours était le même, à la virgule près, sans concessions, sans ouvertures, sans fléchissement des idées. Bayrou annonce aujourd’hui dans la presse : « Je ne veux pas voter pour Sarkozy ! ». Bon, Bayrou semble avoir fait son choix…

Quant à Ségolène Royal, son discours s’est rodé avec le temps…mais reste trop dans les grandes lignes. Contre le manque de précision elle oppose la sincérité, le choix du cœur. Elle pèse ses mots, donne une meilleure intonation de voix et a modifié son discours dans cet entre-deux-tours. En marchant sur le terrain de Sarkozy, en offrant une réciprocité rhétorique (combativité) et en étant la seule à afficher des choix environnementaux, elle ralliera sans doute toutes les gauches éclatées. D’autant que les candidats battus des gauches ont appelé à voter « contre-Sarkozy ». Ce n’est plus seulement une femme agréable à regarder, souriante et engagée, elle est devenue maîtresse de ses idées, et libre de ses choix. Elle a en effet semblé parler en patronne du PS, donnant le pendant à Sarkozy. Ce qui fait qu’elle peut rallier un électorat jusqu’ici effarouché à la présence d’une femme à l’Elysée, puisqu’elle a montré un certain caractère, un certain tempérament, une certaine combativité de bonhomme.

Si on analyse les six points de frictions entre eux, quatre sont intrinsèquement des problèmes humains, ce qui avantage nettement Ségolène Royal, d’autant plus face à un concurrent de droite : la scolarisation des personnes handicapées, la question des retraites, la question de la prise en charge avant trois ans des enfants via les crèches, la question de l’expulsion/régularisation des sans-papiers. Ce qui me fait dire qu’à mon sens, Ségolène Royal a peut être convaincu davantage d’électeurs que Sarkozy. Mais les coussins, les bases électorales ne sont pas les mêmes.



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