Piranha 3D (Alexandre Aja -sept10)
Monsieur convainc Christopher
Lloyd, le savant fou de Retour vers le Futur, de jouer pour lui. Monsieur
convainc Richard Dreyfuss, de remettre une énième fois ses lunettes sur leau
et de lui faire incarner un certain Hooper (tiens donc !), en clin dil aux
Dents de
Pitch
Alors que la ville de Lake Victoria s'apprête à recevoir des milliers
d'étudiants pour le week-end de Pâques, un tremblement de terre secoue la ville
et ouvre, sous le lac, une faille d'où des milliers de piranhas s'échappent.
Inconscients du danger qui les guette, tous les étudiants font la fête sur le
lac tandis que Julie, la shérif, découvre un premier corps dévoré... La journée
va être d'autant plus longue pour elle que Jake, son fils, a délaissé la garde
de ses jeunes frères et surs pour servir de guide à bord du bateau des sexy
Wild Wild Girls !
Attention ! Cette critique appartient à la catégorie « horreur ». Mer, sexe, sang. De quoi ravir les Américains. Et nous ? Pas de soucis non plus de ce côté-ci de lAtlantique. Le scénario, le montage sont par essence, français. Vous ne trouverez à aucun moment, la possibilité de vous dire : « là cest gros comme une maison » ou des « mais oui mais cest bien sûr ». Alexandre Aja na pas voulu faire le remake du remake de Peur Bleue. Dailleurs, si on doit parler dinspiration, il faut viser tout de suite très haut : The Jaws, que vous mélangeriez à ce qui plaît au public cible des horror-movie : des jeuns, mis en scène, torturés vifs, et qui doivent ravaler leur insouciance et leur prétention au contact de plus fort que soit. Le genre de spectacle auquel les jeunes aiment assister, au pays de loncle Sam. Pour les attirer en masse, il faut quand même meubler un peu : disons de la musique de furie, de la mer bleue, des seins plus gros que ceux des voisines, du bikini criard, de la mer bleue, des costumes (policiers), du sang par hectolitres, de la fête, de la mer bleue.
Si Jessica Alba est remplacée par une autre adepte du vélo dappartement et du régime dissocié (dont son créateur est décédé récemment, il n'avait pas même 65 ans), la pulpeuse Kelly Brook, le reste du film sort des sentiers battus US. Les dialogues ne sont pas idiots. Les situations ne sont pas débiles dans leur enchaînement : du genre lhéroïne qui commet la gaffe quil ne fallait pas, se coltinant ensuite la source de tous les périls. Le pacte associant maquillage/ordinateurs tire largement vers le maquillage, soit une priorité dAja, quil a maintenu malgré les facilités quauraient pu lui proposer ses producteurs. Cela rend la copie propre, réaliste dans son gore, sympathique et fun dans son montage. Les macchabées ainsi que les semi-morts en souffrance, sont dune plastique ! Du travail de premier ordre, si bien que quand Aja se permet de maintenir la caméra une dizaine de secondes parfois sur ces corps déchiquetés, il fait très bien. Tandis que ses homologues actuels vont abuser du flash, du zapping et de limage épileptique pour cacher une certaine misère laissée par leurs maquilleurs.
Alexandre Aja dispose dune
véritable culture, dune réelle esthétique du horror-movie, qui rappelle les
grands pontes du genre qui ont bercé sa propre enfance. Une qualité qui nétait
à démontrer à personne, puisque cest la boîte de prod de Piranha 2 herself, Chako Film Company,
lopus réalisé par James Cameron en 1981, qui a pris le risque de remettre ça,
par le biais dAja. Aja vs Cameron ! Et aussi parce que quand on est le maître
du jeu, de
Alexandre Aja ne fait dans la suffisance, que lorsquil emploie deux des trois grands noms du film : Christopher Lloyd et Richard Dreyfuss. Mais tant que cest bien fait. Richard Dreyfuss, alias Hooper dans The Jaws, alias Hooper le pêcheur dans Piranha 3D, disparaît bien vite. Mais quelle ouverture de film ! Quel clin dil ! Christopher Lloyd a peu de temps pour démontrer combien Retour vers le futur a marqué Alexandre Aja, mais pareil, tant que cest bien fait, cela reste un clin dil de très bon goût. Aja ladore, que voulez-vous ? Nous aussi dailleurs, non ? En deux temps, trois mouvements, il accourt vers sa porte en demandant au frappeur de se calmer, avec un divin « je ne vais quand même pas me téléporter », puis il dira sur un ton alerte que lopération avait une équation à deux inconnues : « ils nont pas dorganes génitaux, ce ne sont que des bébés », rappelant les fois où les programmations de sa voiture à remonter le temps nétaient pas au poil. Voilà pour le côté kitsch. Un délice de cinéphile !
En ce qui concerne les forces modernes de ce film, Aja associe un déroulement de lintrigue intelligent, à une esthétique du gore tout-à-fait surprenante de réalisme. On trouverait à redire de ces piranhas faisant tous plus « incrustés sur fond vert » les uns que les autres, mais tout le reste est à un niveau remarquable. Reste à savoir si au-delà du projet Cobra, Aja ne serait pas tenté par sattaquer au bon vieux film de zombies. Il serait stupéfiant de voir debout, le même type de semi-morts que ceux quon voit seulement flotter. Et de faire ainsi de ces victimes effrayantes, de vrais êtres effrayants qui demandent leurs restes !
Piranha 3D cest un casting relativement peu modeste pour un horror-movie. Le troisième grand nom cest Elisabeth Shue. Ne pas oublier Ving Rhames, quon pourrait surnommer le hacheur du lac. Une séquence ? Ce fou qui, désespéré, senfuit avec son bateau à moteur, scalpant tous ces baigneurs rongés jusquà los. Une esthétique brillante ? Ce visage qui est aspiré par lhélice dun bateau de par les cheveux restés noués autour de lhélice. Du beau ? Ces deux sirènes nageant totalement nues, Kelly Brook et Riley Steele. Du fada ? Lensemble de cette jeunesse américaine, insouciante, déjantée, effeuillée et « stripteaseuse », qui est dépeinte par Aja. Jusquà ce quil donne cette jeunesse en pâture à ces Piranhas remontés de la préhistoire grâce à une faille subaquatique. Toute lhistoire commence par une faille.