Le Dernier trappeur (Nicolas Vanier -2003-)
On sent que ce trappeur vit durablement au contact de la nature car il est peu loquace, il parle peu mais pèse ses mots. Ça a son charme ! Lorsque, par exemple, il rend visite à un autre ami trappeur, les dialogues sont assez minces. On sent quils étaient tous deux gênés par la caméra de Nicolas Vanier. Il sagit bel et bien dun film-société, dun quasi-documentaire car les acteurs, ou plutôt les personnages transpirent la vérité dans leurs propos, et dans leurs actes. On se rend compte combien la vie dun trappeur est à 100 000 lieues de notre train-train quotidien de sédentaires urbanisés et lobotomisés par la culture de masse !
On voit ce trappeur réussir ce qui serait limpossible pour nous. Traverser à dos de cheval un cours deau vive de plus de 3 mètres de profondeur ; faire un feu avec des brindilles sur un sol humide ; blesser un élan et sentir selon les marques de ses pas quil est essoufflé au point dêtre mourrant. Il le trappe jusquà mettre la main sur son cadavre. Ses chiens de traîneaux sont tellement minutieusement dressés quils restent fidèles à lui en toutes occasions. A un moment, par exemple, il traverse un lac gelé, la glace se rompt sous son passage et il tombe dans une eau à 40°c. Ses chiens continuent de courir et tirer le traîneau comme si de rien nétait. A chaque tentative de sappuyer sur le bord de la glace, Norman Winther fait rompre de nouveau la glace. Il semble prisonnier. Il rappelle alors ses chiens, comme pour se donner un dernier espoir. Ces derniers écoutent et finissent par revenir pour le tirer de là. Suspense émouvant !
Norman Winther, caressant Bouk, son chien le plus précieux puisque chien de tête de son attelage (le chien blanc à droite).
Ses chiens de traîneaux sont dailleurs des acteurs majeurs du film. Durant plusieurs longs périples en traîneau, on les suit dans leurs efforts. Cest beau à voir notamment lors des difficultés, des passages difficiles (là sont les rebondissements du film). Ces chiens écoutent au doigt et à lil leur maître, même dans la difficulté la plus aigue. Ils se dépassent comme transcendés par sa voix.
Splendeur des paysages, Norman pagaye à bord de son kayak, accompagné d'un de ses chiens.
Lambiance du film est magnifique, calme et sobre, une véritable digression en pleine nature. Beauté de la bande-son et splendeur des paysages du grand nord américain. On sy perdrait ! A noter la sublime aurore boréale filmée par Nicolas Vanier, où lon voit le ciel noir obscur teinté dune entité verte claire immense et mouvante. Ce trappeur la commente dailleurs avec passion, disant que pour les Indiens du grand nord américain, les aurores boréales sont lincarnation des esprits de la nature.
Il semble que Norman Winther, le trappeur, pérennise la mentalité indienne, à sa manière. Il voit la nature comme les Indiens la voyaient et la voient toujours, c'est-à-dire avec une peur admirative devant les défis quelle lui livre, avec amour envers elle notamment lorsquil explique quil se considère comme un régulateur de lécosystème. Sans lui, la faune se dérèglerait, certaines espèces pulluleraient au détriment dautres, alors en voie dextinction. Lorsquil chasse et tue, il ne le fait pas par plaisir, mais par amour, dévouement et devoir moral. Le peu dargent quil gagne, il se le fait par la vente de ses peaux. Et ce peu dargent gagné lui sert surtout à se ravitailler en matériel pour passer les hivers. Cest alors quil descend en ville quelques fois lan, pour vendre ses peaux, et acheter du matériel. Une vie réglée au service dune nature déréglée par la faute de lHomme !