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La Guerre du feu ( Jean-Jacques Annaud -1981-)

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Avant-goût   c’est une sorte de docu-fiction qui s’essaie à revisiter anthropologiquement et sans ennuyer pour autant le pan le plus obscur de notre histoire commune : l’âge de Pierre. La grande force de Jean-Jacques Annaud est d’être parti d’un noyau de vérités délivrées par les chercheurs pour tisser autour et sans raccords le parcours initiatique de trois homo sapiens. Un parcours balisé par la quête de ses émotions primaires, la quête existentielle du feu et l’instinct de survie.

Pitch      des membres d’une tribu d’homo sapiens sont rassemblés autour d’un feu. Attaqués par une tribu rivale, ils doivent abandonner leur campement. Les survivants se retrouvent au milieu d’un marécage. En plus d’avoir perdu du monde ils ont perdu le feu. Connaissant le feu mais ne sachant pas comment le produire, trois des leurs sont alors dépêchés pour ramener du feu dans la tribu, à l’aide d’une niche.

Avis      Jean-Jacques Annaud a livré un film vraiment hors normes. A l’absence de répliques d’acteurs, Annaud contrebalance un jeu d’attitudes et de postures subtils. A l’absence de scénario, Annaud contrebalance un essai anthropologique sur le feu, son invention et les guerres qu’il suscite entre les tribus. Filmé au Canada, en Ecosse et au Kenya, ce film dispose d’un cadre environnemental parfait. La Guerre du Feu est le plus brillant docu-fiction que j’ai jamais vu !

Jean-Jacques Annaud a tissé tout autour de ces trois personnages un ensemble d’éléments anthropologiques très crédibles. Par exemple il nous est rappelé combien le feu était il y a 80 000 ans une chose rare, en tout cas selon une époque où il était fraîchement inventé puisqu’il faisait la cible de toutes les convoitises. Ce qu’on savait déjà est évidemment dans ce film : le feu permet de maintenir à bonne distance de la tribu les prédateurs (loups, ours, panthères à dents de sable, etc), il autorise la cuisson des aliments ce qui décuple le goût, il permet la survie aux grands froids, etc…. Mais Jean-Jacques Annaud s’est employé, et admirablement employé je dois dire, à tisser tout autour de ces vérités des hypothèses anthropologiques et historiques. Ce qui n’est pas une mince affaire tant cette période de notre histoire est très lointaine et fortement dépendante des restes fossiles contenus dans des strates plus ou moins profondes selon les régions climatiques.

Jean-Jacques Annaud, et c’est là toute sa force, a essayé certaines hypothèses anthropologiques qui ont justement permis au film de se doter d’un quasi-scénario. Si on commence par le feu tout d’abord, objet central du film, il y a des choses que Annaud s’est essayé à montrer : les clivages dans l’utilisation du feu entre les tribus, certaines chassant le feu comme on chasserait un gibier, certaines prenant d’assaut un feu de camp pour approcher et découvrir enfin le feu, quand d’autres savent le créer de toutes pièces moyennant des brindilles, une tige et un socle en bois. Annaud s’est amusé à illustrer à sa manière toute une hiérarchie sociale établie par le feu et ses usages, une hiérarchie à l’ascenseur social rapide et implacable.

Il y a aussi en parallèle de cette quête du feu un tas d’essais anthropologiques qui méritent le détour, comme le passage chez un des trois homo sapiens du stade de la pratique sexuelle par instinct reproducteur vers le stade des émotions, de l’amour….de la pratique amoureuse émotionnée si je puis dire. Il y a aussi cette immersion dans un monde très hostile pour un homo sapiens seul, sans tribu et sans feu. Un monde hostile où les armes de défense et de chasse sont caduques (= « vaines » si vous préférez) à côté de ce qu’offre le feu où la solidarité d’une tribu. Et il y a aussi chez Annaud cette réussite d’avoir apposé en filigrane de cette quête du feu toute une philosophie existentielle sur l’évolution de l’homme, sur son maigre présent en grand devenir, sur ce grand combat pour la survie qui a permis notre vie actuelle. Cette philosophie existentielle permet à nous spectateurs d’être maintenus en haleine pendant tout le film. 80 000 ans de différence avec nous pour des personnages et des rôles qui parviennent à nous parler, à nous livrer quelque chose, à nous faire oublier toutes nos broutilles matérialistes, notre petit confort, etc…La Guerre du feu est un chef d'oeuvre à montrer dans toutes les écoles ! Chapeau l’artiste !



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