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Les Grandes gueules (Robert Enrico -1965)

Publié le

 


Un film d'hommes, avec des hommes des vrais fait par un homme...et seulement pour les hommes ? Pas tout-à-fait. A y regarder de plus près, Les Grandes Gueules est un classique comme un autre, un Grand !


SCENARIO A la mort de son père, Hector Valentin (Bourvil) revient au pays pour hériter d'une scierie dans les Vosges. Il exploite avec les pires difficultés sa petite entreprise condamnée à la ruine par la concurrence acharne de Therraz, l'homme fort de la vallée. Deux inconnus fraîchement débarqués s'intéressent au cas d'Hector. Ils sortent de prison et vont l'aider à survivre. Celui-ci croît en leur amitié.
Les deux ex-truands l'amènent à employer une main d'oeuvre pour le moins bizarre : dix ex-voleurs-escrocs-meurtriers débarquent un beau matin dans la valle sauvage à la charge d'Hector...

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Les Grandes Gueules a lancé la carrière de Robert Enrico sur les rails des très grands. Jean Becker devait tourner ce film avec Claude Sautet comme assistant, mais le coup de fil de José Giovanni à Robert Enrico lança ce dernier sur ce projet. Avec Jean Becker le sujet se serait téléporté sur la pègre parisienne. José Giovanni, connu pour ses "histoires d'hommes", ramasse le pompon : Robert Enrico, après son Oscar en 1963, peut tourner ces Grandes Gueules avec Lino Ventura et Bourvil à disposition. << Les films dans lesquels joue Lino sont des films d'hommes et celi-là est un film d'hommes par excellence >>, avait dit Bourvil. D'ailleurs après Le Corniaud, Bourvil pouvait se détacher de son rôle de comique à la baguette et au béret bien français et démontrer l'étoffe de son immense talent. La clairière du Haut-Fer se souvient encore de ce trio Enrico-Bourvil-Ventura, à travers le mémorial de quatre mètres scellé dans la pierre !

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CRITIQUE                 
Faire le guignol au côté de De Funès, pas encore une habitude pour Bourvil. Ce sera jamais d'ailleurs. Les vrais rôles Bourvil les mange tout crû au petit déjeuner. Un vrai rôle d'homme, fort en gueule, au caractère aussi trempé que le métal de ses scies. Bourvil fait le métier, il est Hector Valentin, un mec paumé mais bien. Son père tenait une scierie dans les Vosges, et étudiait les arbres avant de les couper en bonne et due forme. La tradition était devenue malheureusement une entreprise, une industrialisation au sortir de la guerre. Les engins de traction, de découpe et tout le toutim ont débarqué la fleur au fusil, et Hector Valentin garde en plus de son grand savoir-faire et de son caractère haut en couleur, l'avantage d'avoir l'amour du métier et la main-mise sur un patrimoine forestier offrant les plus beaux bois. Pour monsieur et madame tout le monde, ce bois là, qu'on se le dise, ne pète pas dans la cheminée, non, il ne sert pas non plus qu'à meubler.


C'est surtout pour son territoire que l'homme de la vallée, Therraz propose de lui racheter sa scierie, ses arbres avec par dessus le marché et ses cliques et ses claques. Prendre la porte pour qu'il puisse faire feu de tout bois comme jamais. Le fiston n'en démord pas et cette intrigue duelliste entre un industriel et un artisan commence de la plus belle des manières. Le cadre est jeté : en pleine nature, au milieu des arbres, des haches, des scies et des mégots se livrent à qui mieux mieux l'ensemble d'une trame prenante, où le beau fait le beau, et où le vrai joue le vrai.



Des prisonnier
s débarquent et Robert Enrico se lance dans la juxtaposition d'une deuxième trame, véritablement coup de poing et poignante celle-là. Lino Ventura joue les justiciers en guise de rachat sur son passé de malfrat, il tente d'embarquer tous les nouveaux prisonniers sur le chemin à suivre, celui de la dignité. Hector Valentin prenait sur lui pour les embaucher à la dure, et les éduquer avec pointillisme, voilà qu'il prend le pari de renforcer ses effectifs en tentant un coup de poker : 10 prisonniers de plus. Juste de quoi sauver la petite entreprise de Papa, envoyé aux cieux. Juste histoire de rendre la monnaie de sa pièce à celui qui prétend les mériter en masse, l'homme de la vallée Therraz.
Sabotages en tout genre, sales coups et mauvais coups durs, ça buche dans les forêts mais aussi dans la vallée et le village. Les hors-la-loi apprennent à être dans leur bon droit, quand les hommes de Therraz embauchés par dizaines tentent de les faire déjouer. Hector Valentin homme fort des cimes veille, casse du freluquet, assied sa notoriété centenaire, bien que ses nouveaux employés effraient. Le jeu en vaut-il la chandelle ? Les hors-la-loi ont-ils le droit de se racheter par le labeur et la besogne ? C'est un peu toute une fable post-années 40 que Robert Enrico conte avec la violence des sentiments, ceux-là même qu'on oublie toutes et tous lorsqu'on est affairé à travailler consciensieusement...



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