BLADE RUNNER (Ridley Scott -1982-)
Ridley Scott livra une version ciné en 1982, mais son montage final en avait mises plusieurs autres de côté. La faute aux producteurs. Ici, la version est celle du directors cut, nen déplaise aux fans purs et durs, dont linternet est pour eux lobjet de débats acérés sur les fins possibles données par Ridley Scott à ce classique de la SF. Personnellement je pense que le mieux est de se rattacher au livre original de Philip K.Dick, afin que tout le monde se mette daccord. Même si la SF au cinéma, dépasse souvent luvre littéraire, de par son visuel lorsquil est grandiose. Ridley Scott, à linstar de Stanley Kubrick, est parvenu à donner un angle humain à des humanoïdes, faisant postuler son uvre comme une réussite de son temps, puis comme chef duvre intemporel. Il faut signaler en passant un visuel et un déroulement dintrigue assez lents, même si cela sert finalement lintrigue en tout cas cette version directors cut.
Pitch
Los Angeles, 2019. Quatre repliquants (androïdes) viennent de senfuir de centres surprotégés. Rick Deckard, qui traîne la semelle de bar à sushis en enquêtes policières banals, se voit confier leur traque, leur capture, voire leur élimination sil le faut. Ce job, il le connaît, il menait ce genre de chasse à prime par le passé, avant de se recycler. Armé dun détecteur démotions, via liris, dun flingue lourd, dun réseau, et dun certain sang-froid énigmatique, cet inspecteur redevient chasseur de prime et débute ses recherches en testant son détecteur démotions/sentiments sur Rachael, landroïde longtemps cachée par Tyrell, le maître-penseur et concepteur dhumanoïdes, dont les 4 recherchés proviennent de ses laboratoires. Rachael est le dernier prototype en date, bien au-dessus de lautre femme androïde, recherchée quant à elle, malgré que cette dernière ait été conçue pour satisfaire lhomme. Deckard se rapproche de ces 4 androïdes, ainsi que de la 5ème, Rachael, mais de façon différente. Apprenant à détester les premiers pendant quil apprend à aimer lautre
Un cinéphile typique de la SF y verra, il est clair, un chef duvre absolu. Cest sous cet angle que cette critique va tourner
Ridley Scott enchaîne Alien, le huitième passager en 1979, puis Blade Runner en 1982. Le terme « enchaîner » peut paraître un peu fort du café, étant donné que trois ans séparent ses deux films, mais cest plus juste quon le penserait, quand on sait que ce sont deux chefs duvre de SF en trois ans, pour un seul homme. Ridley Scott avait conçu, à la base, une uvre à la fois envoûtante, policière, avant-gardiste... et science-fictionnelle non sans un grand fond de vérités possibles futures. Encore que 2019 puisse paraître aujourdhui nêtre pas plus quun futur immédiat, sur lequel on aurait des choses à redire étant donné quon est depuis passé à lannée 2007, soit 12 ans à peine en avant de cette intrigue. Devant ses producteurs, Scott fait plusieurs cuts, et sort au cinéma une version retravaillée, quil juge inaboutie, ainsi que dautres versions gardées, quil juge plus fidèles, à ceci près quil ne peut les sortir. De grands changements concernant la fin de film, la relation entre linspecteur Deckard (H.Ford) et la « repliquant » Rachael (Sean Young) ou encore la suggestion de lidentité de « repliquant » de Deckard lui-même (eh oui).
Cette version directors cut (re-montée par le réal Ridley Scott
à partir de ses multiples montages initiaux) garde malgré tout cette fantastique force denvoûtement visuel et sonore. Ce qui, techniquement, revient à parler dune très grande photographie (Jordan Cronenweth), et dune bande-son qui na pas véritablement vieilli malgré leau qui a coulé sous les ponts (bo hypnotique de Vangelis). En parlant de pluie justement, il faut voir et apprécier cette poignée de plans fixes mettant les rôles à la rude épreuve de trombes deau. Ce qui donne, mine de rien, une certaine intemporalité dans cette uvre il faut lavouer
très visuelle. Cest en fait le but de Ridley Scott : tenter de transporter le spectateur dans un futur proche, sans quil ressente des anomalies spatio-temporelles. Les notions de lespace-temps, liées à cette année 2019, ont du véritablement émerveiller les spectateurs dorigine, 1982, puisquelle ne semblent pas avoir prises une ride.
Encore que cette idée dun Los Angeles « made in asia », dici 2019, peut ne pas faire son chemin. Mais Ridley Scott allie habilement le plan séquence très visuel montrant des buildings high-tech et aux écrans géants sur les façades
à des plans serrés sur les personnages. Ce resserrement autour dune poignée de personnages permet cette intemporalité de luvre, davantage que ces panneaux lumineux et ces écrans géants qui étaient déjà lapanage des hong-kongais par exemple, dans les années 80. Les propos et discussions des personnages sont en effet dabord entretenus par une enquête policière, menée par un chasseur de prime anti-humanoïde, puis se resserrent autour de chacun deux, ou par duo. Le duo Deckard-Rachael dun côté, où un chasseur de repliquant finit par voir en une des leurs un avenir à sa propre vie dhumain. Le duo Rutger Hauer-Daryl Hannah qui joue la carte dun possible amour partagé entre deux repliquants, puis dune volonté ferme de voir reconnaître certaines qualités très humaines de leur personnalité artificielle (littéralement dit). A ce titre, il faut rappeler que cette version permet une meilleure exposition du couple Deckard-Rachael, que dans la version originale. Et cest là que Ridley Scott permet de mieux rattacher son film de 1982, à notre époque. Parce quon se demande bien ce que peut gagner lhumain Deckard, chasseur de repliquant, à se rapprocher avec lune des leurs.
Cela a un but : montrer une nouvelle facette de Deckard (androïde lui-aussi ?), et ça permet surtout de poser une vision anthropologique des relations de demain. Même si on voit très mal ce genre de relations homme-femme arriver dans 12 ans à peine. Ridley Scott signe là lune des rares uvres de SF à pouvoir résister au temps qui passe. Car quand cette datation de 2019 sera bientôt perçue haut et fort comme caduque, quand ces belles images et ces belles musiques seront rendues obsolètes ce sera cette intrigue policière cérébrale et aux lourds questionnements moraux, qui prendra le relais. Dans ce cas là, le 3 étoiles que je peux donner en note, se transforme en 4 étoiles, comme hommage rendu à un Ridley Scott qui signait là luvre majeure de sa filmographie (ne men veuillez pas pour Gladiator, Thelma et Louise ou Alien1 ).