MYSTIC RIVER (Clint Eastwood -oct03)
Avis mystic River devient alors lun des films chorals les plus complets, dépassant sans doute Sleepers via son côté « enquête » très pointu, et surtout via cette invitation faite au spectateur de ne pas prendre partie pour lun ou lautre, avec ce phénoménal souci de rendre intemporel une uvre qui partait modestement par un vulgaire fait divers. Clint Eastwood signait là le premier film inattaquable de sa carrière, luvre dun maître, parce quà contre-emploi de la filmographie thrilleriste américaine, ce fameux contre-emploi de Clint Eastwood qui fait de lui le cinéaste le plus européen dAmérique. C'est-à-dire le plus emprunt des règles dor du réalisme du cinéma européen, tout en pouvant y associer des budgets dignes dHollywood
Réal clint Eastwood souffre encore de lenteurs et de sobriété dans sa mise en scène. Mais cest finalement peu de mal pour un grand bien : lhumanisation dune uvre à la base très américaine. Pour le côté américain, on pense notamment à la choralité du casting, ou encore à un postulat de base réaliste, dun coup percuté par un fait divers. Mais Clint Eastwood brillera dans cette dramatisation, là où bien de ses confrères et compatriotes échouent bien souvent. Il ne traitera pas ce fait divers en banal fait divers, mais en drame mêlant diverses composantes de la conscience humaine, bien souvent difficiles à capter au cinéma. Alors chapeau ! Sa sobriété commence ainsi à devenir un sérieux atout, empilant de multiples réactions devant un seul et même drame : leffroi, le sentiment de culpabilité, le travail de deuil, la vengeance biblique et autres renfermements sur soi. Et finalement on se rend bien compte combien la première séquence de ces trois gosses qui tiennent terrain de jeu dans la rue, nétait pas là pour faire jolie. Mais comme gage dune réelle profondeur scénaristique, propre au grand Clint à défaut de bien de ses confrères américains.
Attention !! ne LIRE ce qui suit QUE SI ON LA DEJA VU
Extrapolation personnelle du scénar le grand fil rouge devenant linnocence perdue à jamais, lamitié brisée à jamais Si sa caméra est lente, limite fixée, posée, cest pour mieux mettre en valeur les réactions des protagonistes directement liés au drame. Avec des interprétations haut de gamme de Sean Penn surtout, qui associera leffroi à la vengeance, mais aussi de Tim Robbins et Marcia Gay Harden, dont le couple dérivera dans la compassion, la présomption de culpabilité et le délit de faciès à mesure que Sean Penn y verra plus clair dans lenquête quil mène personnellement en parallèle de celle, très officielle, de Kevin Bacon. Or, et Clint le montre bien dès la première séquence, ces trois hommes étaient amis denfance, avec le respect légitime quils se vouaient mutuellement depuis lors. Un drame dautant plus terrible donc, vient tirailler ces hommes chacun de leur côté, et commence à balayer sur le seuil de la porte de chacun à mesure que le poids de ce meurtre commence à être impossible à contenir. Suspecté dêtre suspect, détruit par son image denfant à linnocence évaporée à jamais lors de ces fameux 4 jours de séquestration par deux inconnus pédophiles, Tim Robbins livre alors sa toute meilleure interprétation, parce que plus naturel et moins calculateur quand dans Les Evadés. Parce que servi admirablement par un scénario qui a choisi de faire tourner les méninges du spectateur, voire de le faire tourner en bourrique jusquau bout. Son ami denfance Sean Penn, animé par ses années délinquances ne parviendra plus à faire la part des choses entre ce coupable idéal, et idéalisé par les « on dit », et cet ami de jadis. Difficile rôle alors pour Tim Robbins, qui dégage auprès du spectateur limage dun homme meurtri à jamais, sans écarter la possibilité quil ait vraiment dérapé, à limage de son enfance tragique à jamais enfouie en lui. Un spectateur qui sent que tout peut déraper dans le tragique pour cet homme déjà terriblement meurtri. Clint brille alors autant que ce Tim Robbins ou que ce Sean Penn brillent, car il fait mener une enquête policière en parallèle de ce drame intimiste, une enquête rendue vraiment intrigante, avec ce professionnalisme affiché par le duo Kevin Bacon/Laurence Fishburne. Clint sublime ainsi son drame initial, et lintimité de cet effroi partagé par le père (Penn), et le présumé coupable (Robbins), par une froideur rigoureuse de ces deux flics, dont le premier dentre eux parvient tantôt à faire la part des choses entre sa conscience, sa mémoire de gosse et ses preuves factuelles, tantôt non. Une enquête qui réussit même à afficher dautres coupables possibles, ceux liés aux problèmes de délinquance de ce quartier tout entier, dont Sean Penn lui-même nest pas étranger.
Jeu dacteurs
Tim Robbins :):):):)
Sean Penn :):):):)
Kevin Bacon :):):(:(
Marcia Gay Harden :):):):(