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Green Zone (Paul Greengrass -2010)

Publié le

 

StudioCanalPaul Greengrass est passé du tout au tout en très peu de temps. Entre sa trilogie « Dans la peau » (Matt Damon), survitaminée à la sauce agent secret, et le diptyque Vol 93 / Green Zone, véritables livres ouverts sur les années Bush, c’est comme s’il avait effectué un transfert : vibrer dans un cadre réel . Green Zone c’est la guerre d’Irak vue de l’intérieur.

Pitch                            

Pendant l'occupation américaine de Bagdad en 2003, l'adjudant-chef Roy Miller et ses hommes ont pour mission de trouver des armes de destruction massive censées être stockées dans le désert iraquien. Ballotés d'un site piégé à un autre, les militaires découvrent rapidement une importante machination qui modifie le but de leur mission. Pris en filature par des agents, Miller doit chercher des réponses qui pourront soit éradiquer un régime véreux soit intensifier une guerre dans une région instable. En peu de temps et dans cette zone explosive, il découvrira que la vérité est l'arme la plus insaisissable de toute. L'histoire tourne autour des agissements américains en Irak et de la façon dont le gouvernement provisoire, organisé par l'administration Bush, s'est constitué d'amis loyaux du Président plutôt que de personnalités efficaces et capables. Pourquoi n'avoir placé personne, à la tête du gouvernement irakien, qui sache parler arabe ? Pourquoi n'avoir pas engagé des spécialistes de la reconstruction sociale d'après-guerre ?

Jason Isaacs. StudioCanalPaul Greengrass, peut-être, connaît quelque part dans le monde, des gens que nous ne connaissons pas. Ou peut-être sait-il simplement ce que nous ne savons pas. Non, c’est une blague, il a simplement adapté un livre « coup-de-poing » sur le déploiement américain en Irak. En revanche, depuis ce récit imagé du crash sauvé de justesse par les passagers du vol 93, qui mettait plein gaz, par la faute de son pilote terroriste, vers une mort certaine, Greengrass démontre un certain goût pour l’histoire qui ne se narre pas, l’histoire enfouie et non oubliée, en tout cas l’histoire qui fascine de par sa zone d’ombre. Là, la zone, eh bien elle est verte. Et Greengrass en montre un aspect renversant. Elle est toute petite mais elle est remplie de gens importants : agents de contre-espionnage, divers hémisphères cérébraux en tout genre, généraux, états-majors, et même des femmes marchant en bikini le long d’une piscine à l’eau toute bleue.

Matt Damon. StudioCanalTout autour de la zone verte ? Des GI’s roulant en convois aux quatre coins de la capitale irakienne à la recherche des « armes de destruction massives ». Qui a dit qu’une guerre moderne n’est avant tout qu’une guerre du renseignement ?  Sauf que là Bush et ses amis faucons en avaient trop fait. Miller, envoyé au casse-pipe n’en trouve pas…d’armes de destruction massive. Ce qu’il trouve au contraire, et ce qui intéresse les hémisphères cérébraux, bien à l’abri des balles dans la zone verte, c’est qui est « Magellan ». Soit exactement l’homme qu’il fallait pour diviser et montrer que les agents du renseignement militaire (pentagone) et les agents de la CIA ne mangent pas à la même cantine. Deux guerre en une, voilà le double portrait dépeint par le talentueux Paul Greengrass : la tactique du terrain d’un côté, soumise mais en avance, la stratégie de communication de l’autre, effrontée mais qui perd son avance à mesure que le conflit dure.

Brendan Gleeson et Matt Damon. StudioCanalL’élément qui nous permet, spectateurs, d’en prendre plein la vue et les oreilles, c’est exactement LE rôle principal : le commandant Miller, chargé de retrouver dans trois sites, des ADM (armes de destruction massive) qu’il ne trouve jamais, et qui au hasard d’un passage dans une rue se voit interpellé par un Irakien déclarant avoir vu plusieurs irakiens en civils lourdement armés réunis dans une maison. Ce qui se passe est le début d’une course-poursuite haletante vers la vérité, dont vous ne connaîtrez que le début : cette bande d’irakiens armés, sont en fait les gardes du corps du « Valet de trèfle », le général baasiste Al-Zarawi.

Matt Damon. StudioCanalMatt Damon reprend du service dans les rangs de Greengrass, le réalisateur qui dépoussière le genre thriller en s’attelant à la réalité. Celle-ci, dans Green Zone, n’est pas belle à voir, mais en même temps on s’y attendait, après que les ADM n’aient jamais été retrouvées en Irak. Mais on reste sur un terrain d’investigation que les médias ont à tour de bras désarticulé, bousillé même, en disant tout et son contraire en peu de temps et selon un flux énorme. Greengrass subjugue donc, et, le plus étonnant, il montre tout son sang-froid derrière la caméra, et à l’adaptation du livre. Les choses ont pu se reposer depuis le super plan de communication de Bush, c’est vrai, et Greengrass s’appuie sur un livre tout de même, mais ce qu’il montre garde quand même un effet de surprise d’avance sur les spectateurs même les plus avertis. Le problème de taille pour Greengrass restait à résoudre : comment attirer un large public de cinéphiles, avec un « Green Zone » probablement violent, au préalable, et s’adressant à un public d'initiés pour ce qui est de l‘efficacité de son suspense ? En faisant du Greengrass justement : prendre le temps d’expliquer plusieurs fois une même chose compliquée par exemple ou invraisemblable, pour ensuite remotiver tout son public en balançant la sauce avec de l’action pure !

Jason Isaacs et Matt Damon. StudioCanalGreengrass répète pourquoi et comment les armes n’ont pas été retrouvées. Dit comme ça, le scénario aurait dû être creux, vide, mais au contraire, Greengrass tire jusqu’à la corde et va au bout des choses à travers ce simple soldat américain dont il fait jouer les électrons libres, le juge et l’arbitre à la fois. Convaincant dans l’action comme dans le suspense, Matt Damon fournit le minimum, mais le fait bien. Il est avec son accoutrement, à mi-chemin entre ce bon vieux James Francis Ryan de l’Iowa, et ce Jason Bourne qui fouine jusqu’à avoir les réponses à ses questions. Et comme l’Irak, réellement dépeinte avec sérieux et authenticité, est plongée dans la guerre, vous imaginez bien que ce genre de personnage a tous les droits et promet bien des surprises en termes de scénario et d’intrigue.

Le réalisateur Paul Greengrass et Matt Damon. StudioCanalGreen Zone c’est un rôle secondaire véritablement convaincant, en ce qui concerne ce général dit « valet de trèfle » du régime Baasiste irakien déchu. Il est remarquable d’intelligence et de charisme. C’est aussi une visite des lieux totalement incongrue aussi, que ce terrain de guerre. C’est une lecture à plusieurs étages des enjeux d’un telle invasion américaine : les mensonges d’une journaliste cotée sont dépeints, le travail de fonds de la CIA est montré, le travail d’intérêt public de l’homme du pentagone est montré, la posture et l’attitude du général irakien sont détaillées, et tout cela est interconnecté grâce à Miller. Le spectateur voit s’enchevêtrer dans son cerveau deux points de vue : le grand bluff de la propagande, le répondant sur le terrain, de la partie adverse et occupée. Poussif film à suspense toutefois, hormis cette séquence finale où Paul Greengrass a fait carburer sa caméra et celles de ses assistants à plein régime, au cours de cette course-poursuite filant tout droit là où tout avait commencé. Paul Greengrass a de l’énergie à revendre, et son bon filon commence à durer. L’éolienne n’étant pas rentable, le photovoltaïque manquant de rigueur, Duracell n’étant qu’un slogan publicitaire, mais à quoi carbure-t-il ? Comme le lui demanderait peut-être Eli Semoun : qui est-il ? d’où vient-il et quelle formation a-t-il ?



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