Green Zone (Paul Greengrass -2010)
Paul Greengrass est passé du tout au tout en très peu de
temps. Entre sa trilogie « Dans la peau » (Matt Damon), survitaminée
à la sauce agent secret, et le diptyque Vol 93 / Green Zone, véritables livres
ouverts sur les années Bush, cest comme sil avait effectué un
transfert : vibrer dans un cadre réel . Green Zone cest la guerre dIrak
vue de lintérieur.
Pitch
Paul Greengrass, peut-être,
connaît quelque part dans le monde, des gens que nous ne connaissons pas. Ou
peut-être sait-il simplement ce que nous ne savons pas. Non, cest une blague,
il a simplement adapté un livre « coup-de-poing » sur le déploiement
américain en Irak. En revanche, depuis ce récit imagé du crash sauvé de
justesse par les passagers du vol 93, qui mettait plein gaz, par la faute de
son pilote terroriste, vers une mort certaine, Greengrass démontre un certain
goût pour lhistoire qui ne se narre pas, lhistoire enfouie et non oubliée, en
tout cas lhistoire qui fascine de par sa zone dombre. Là, la zone, eh bien
elle est verte. Et Greengrass en montre un aspect renversant. Elle est toute
petite mais elle est remplie de gens importants : agents de contre-espionnage,
divers hémisphères cérébraux en tout genre, généraux, états-majors, et même des
femmes marchant en bikini le long dune piscine à leau toute bleue.
Tout autour de la zone
verte ? Des GIs roulant en convois aux quatre coins de la capitale irakienne
à la recherche des « armes de destruction massives ». Qui a dit
quune guerre moderne nest avant tout quune guerre du renseignement ? Sauf que là Bush et ses amis faucons en
avaient trop fait. Miller, envoyé au casse-pipe nen trouve pas
darmes de
destruction massive. Ce quil trouve au contraire, et ce qui intéresse les
hémisphères cérébraux, bien à labri des balles dans la zone verte, cest qui
est « Magellan ». Soit exactement lhomme quil fallait pour diviser
et montrer que les agents du renseignement militaire (pentagone) et les agents
de la CIA ne mangent pas à la même cantine. Deux guerre en une, voilà le double
portrait dépeint par le talentueux Paul Greengrass : la tactique du
terrain dun côté, soumise mais en avance, la stratégie de communication de
lautre, effrontée mais qui perd son avance à mesure que le conflit dure.
Lélément qui nous permet,
spectateurs, den prendre plein la vue et les oreilles, cest exactement LE
rôle principal : le commandant Miller, chargé de retrouver dans trois sites,
des ADM (armes de destruction massive) quil ne trouve jamais, et qui au hasard
dun passage dans une rue se voit interpellé par un Irakien déclarant avoir vu
plusieurs irakiens en civils lourdement armés réunis dans une maison. Ce qui se
passe est le début dune course-poursuite haletante vers la vérité, dont vous
ne connaîtrez que le début : cette bande dirakiens armés, sont en fait
les gardes du corps du « Valet de trèfle », le général baasiste Al-Zarawi.
Matt Damon reprend du service
dans les rangs de Greengrass, le réalisateur qui dépoussière le genre thriller
en sattelant à la réalité. Celle-ci, dans Green Zone, nest pas belle à voir,
mais en même temps on sy attendait, après que les ADM naient jamais été
retrouvées en Irak. Mais on reste sur un terrain dinvestigation que les médias
ont à tour de bras désarticulé, bousillé même, en disant tout et son contraire
en peu de temps et selon un flux énorme. Greengrass subjugue donc, et, le plus
étonnant, il montre tout son sang-froid derrière la caméra, et à ladaptation
du livre. Les choses ont pu se reposer depuis le super plan de communication de
Bush, cest vrai, et Greengrass sappuie sur un livre tout de même, mais ce
quil montre garde quand même un effet de surprise davance sur les spectateurs
même les plus avertis. Le problème de taille pour Greengrass restait à
résoudre : comment attirer un large public de cinéphiles, avec un « Green
Zone » probablement violent, au préalable, et sadressant à un public
d'initiés pour ce qui est de lefficacité de son suspense ? En faisant du Greengrass justement :
prendre le temps dexpliquer plusieurs fois une même chose compliquée par
exemple ou invraisemblable, pour ensuite remotiver tout son public en balançant
la sauce avec de laction pure !
Greengrass répète pourquoi et
comment les armes nont pas été retrouvées. Dit comme ça, le scénario aurait dû
être creux, vide, mais au contraire, Greengrass tire jusquà la corde et va au
bout des choses à travers ce simple soldat américain dont il fait jouer les
électrons libres, le juge et larbitre à la fois. Convaincant dans laction
comme dans le suspense, Matt Damon fournit le minimum, mais le fait bien. Il
est avec son accoutrement, à mi-chemin entre ce bon vieux James Francis Ryan de
lIowa, et ce Jason Bourne qui fouine jusquà avoir les réponses à ses questions.
Et comme lIrak, réellement dépeinte avec sérieux et authenticité, est plongée
dans la guerre, vous imaginez bien que ce genre de personnage a tous les droits
et promet bien des surprises en termes de scénario et dintrigue.
Green Zone cest un rôle
secondaire véritablement convaincant, en ce qui concerne ce général dit « valet
de trèfle » du régime Baasiste irakien déchu. Il est remarquable
dintelligence et de charisme. Cest aussi une visite des lieux totalement
incongrue aussi, que ce terrain de guerre. Cest une lecture à plusieurs étages
des enjeux dun telle invasion américaine : les mensonges dune
journaliste cotée sont dépeints, le travail de fonds de la CIA est montré, le
travail dintérêt public de lhomme du pentagone est montré, la posture et lattitude
du général irakien sont détaillées, et tout cela est interconnecté grâce à
Miller. Le spectateur voit senchevêtrer dans son cerveau deux points de
vue : le grand bluff de la propagande, le répondant sur le terrain, de la
partie adverse et occupée. Poussif film à suspense toutefois, hormis cette
séquence finale où Paul Greengrass a fait carburer sa caméra et celles de ses
assistants à plein régime, au cours de cette course-poursuite filant tout droit
là où tout avait commencé. Paul Greengrass a de lénergie à revendre, et son
bon filon commence à durer. Léolienne nétant pas rentable, le photovoltaïque
manquant de rigueur, Duracell nétant quun slogan publicitaire, mais à quoi
carbure-t-il ? Comme le lui demanderait peut-être Eli Semoun : qui
est-il ? doù vient-il et quelle formation a-t-il ?