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histoire vraie - histoire

La Bande à Baader (Uli Edel (2008)

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Projet ambitieux, La Bande à Baader peine à s'élancer, ensuite c'est un monument historique qui s'étale pendant plus de deux heures. Ce qui frappe, venant de cette autre grosse production germanique après Good bye Lenin ! et La Vie des autres, c'est encore ce courageux retour sur histoire et cette humilité.

                   Pitch

Dans les années 70, l'Allemagne est la proie d'attentats à la bombe meurtriers. La menace terroriste et la peur de l'ennemi intérieur ébranlent les fondements mêmes d'une démocratie encore fragile.  Sous la conduite d'Andreas Baader, Ulrike Meinhof et Gudrun Ensslin, une nouvelle génération radicalisée entre violemment en guerre contre ce qu'ils perçoivent comme le nouveau visage du fascisme : l'impérialisme américain soutenu par les membres de l'establishment allemand, dont certains ont un passé de nazi. Leur objectif est de créer une société plus humaine. Mais en employant des moyens inhumains, en répandant la terreur et en faisant couler le sang, ils perdent leur propre humanité.  L'homme qui les comprend est aussi celui qui les pourchasse : le chef de la police allemande, Horst Herold. Et même s'il réussit à capturer les jeunes terroristes, Herold sait qu'il ne s'agit que de la partie émergée de l'iceberg...

Metropolitan FilmExportAutour du portrait convaincant des membres de la bande à Baader, qui écuma les symboles du pouvoir en Allemagne dès 1970 pour longtemps, c'est aussi l'explication réussie et méticuleuse d'un fonctionnement de ce pouvoir dès lors qu'il doit canaliser ce terrorisme pour mieux l'éradiquer. Scénario pharaonique donc ! A époque houleuse, événements houleux. Et ce, à l'échelle mondiale. Pour l'Allemagne, plus encore que pour le gouvernement cambodgien défié par les Khmers Rouges, la France des « pavés sous la plage » (mai 68) ou encore l'Irlande du « dimanche sanglant » (1972), la situation ressemblait à une traînée de poudre longue à perte de vue, dont l'étincelle avait été donnée dès le début des années 60 : les étudiants grondaient contre l'interventionnisme américain au Viêtnam. En 1967, la venue du Shah d'Iran provoque une manifestation sanglante.

Vinzenz Kiefer. Metropolitan FilmExportDes étudiants marxistes poussent de la voix et récoltent des élans de sympathie dans toute l'Allemagne. Mais c'est par une première série d'attaques de banques par un groupe mené par Andreas Baader (1970) que tout devient surenchère et escalade en terme de violence. La Bande à Baader, telle qu'elle est appelée n'avait pas engagé son combat contre des symboles de pouvoir nationaux. Ces banques n'étaient qu'un moyen de survie. Mais la bande imprima un mouvement de révolte contre tous les symboles de l'impérialisme américain en Allemagne. Car c'est lorsqu'elle s'en prit pour de bon aux bâtiments militaires US et institutions publiques que la bande à Baader devint le noyau dur d'un mouvement qui allait petit à petit la dépasser : la RAF ou Fraction Armée rouge. D'inspirateurs, les membres de la bande à Baader, deviendraient très vite, après leurs arrestations et pendant leurs longues détentions, les symboles d'une résistance. La deuxième vague de terreur, n'aura qu'un but : délivrer des gêoles les précurseurs, Andreas Baader et Gudrun Ensslin, amants et co-fondateur de la RAF (avec pour voix au chapitre la journaliste Ulrike Meinhof).

Metropolitan FilmExportLe film La Bande à Baader explique tout cela. Et tente de contre-balancer systématiquement les ripostes du pouvoir et le combat de ce contre-pouvoir. Avec aucune considération ou déconsidération, ni aucun privilège accordé à l'une des deux parties. Un film historique réussi mais qui souffre de ses interprètes et de la mise en scène : dans ce cinéma allemand-là on montre tout mais on ne fait ressortir aucun affect, aucune pirouette de sensations chez aucun acteur (ice) en particulier. Une impression donc, de mise à niveau égalitaire, qui forcément nivelle vers le bas les prestations. Un retour sur histoire nécessaire, complexe mais ô combien réussi, tant le phénomène a duré : RAF se dissout en... 1998.



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The Social Network (David Fincher -oct10)

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David Fincher impose d’entrée de jeu une cascade d’échanges verbaux qui transpirent à max la pertinence du scénario de 400 pages qu’on lui a demandé d’adapter. Il maintient ce rythme de dingue de manière à ce qu’entre ce qui est important à retenir et ce qui l’est moins vous soyez toujours en train de danser. Et il mène sa barque comme ça jusqu’au bout. Pour au final avoir réussi à rendre cette tranche de vie de quelqu’un qui n’intéresse personne hormis les geeks ou ses détracteurs, intéressante. The Social network parvient à captiver sur un sujet qui n'intéresse pas grand monde : car si Facebook pèse soi-disant 25 milliards de dollars, ce n'est pas une entreprise aussi solide que le pressing tenu par votre voisin de rue... Mais comme il revend vos goûts, préférences, opinions, il intéresse beaucoup d'investisseurs et d'autres organismes plus anonymes, d'espionnage par exemple (lire cet article si vous voulez en savoir plus sur ce dernier point)

Pitch

Une soirée bien arrosée d'octobre 2003, Mark Zuckerberg, un étudiant qui vient de se faire plaquer par sa petite amie, pirate le système informatique de l'Université de Harvard pour créer un site, une base de données.

Jesse Eisenberg et Andrew Garfield. Sony Pictures Releasing FranceDavid Fincher permet à un sujet de geek de prendre l’ampleur d’un véritable thriller social brassant tous public. Il faut douter évidemment d’une mamie tentée par la chose. Mais en même temps s’était-elle déplacée pour Zodiac ou Se7en ? The Social Network nous conte la peu glorieuse ascension d’un étudiant peu glorieux d’Harvard, qui partant d’une idée en commun avec quelques collègues, se lance dans la matérialisation d’un concept relativement pathétique : un site de drague interne au campus d’Harvard. Aujourd’hui baptisé Facebook, et ironisé par nous autres rebelles français, sous un nom pas très doux de « face de bouc », nous plaçant tous sans le savoir dans le sillage de la création par un Français du site Face de bouc « marre d’être un mouton deviens un bouc », ce site « Trombinoscope » (Facebook) rassemble 500 millions d’utilisateurs dans le monde et permet, notamment et beaucoup, d’entrer en relation avec des gens que vous ne connaissez pas : par exemple en créant une application débile de type zodiacale ou rébus ; celles et ceux qui l’auront utilisé deviendront des sortes de connaissances pour vous (photos et persos, date de naissance, et même parfois un soupçon de CV de type quelle formation j’ai, d’où je viens, où je vais et qui j’aime).

 

 

Andrew Garfield, Jesse Eisenberg et Joseph Mazzello. Sony Pictures Releasing FranceUne idée donc de génie. Cependant n’allez pas mettre toutes ces vertus en la même personne de Zuckerberg. Le garçonnet, spécialisé informatique, débute en proposant à tout son campus de voter en ligne sur le degré torride qu’aurait un animal de plus qu’une étudiante d’Harvard, et même de classer les étudiantes selon un critère d’ « intelligence physique ». Ensuite il a ouvert son capital à des investisseurs qui détestent… investir à perte. Or, dans l’internet presque impossible de faire fortune actuellement si on ne vend des choses. Alors pourquoi pas vendre des infos, des idées, des préférences ou des goûts ? David Fincher créée une ambiance captivante : le film se vit. Par exemple, si la discussion dans la boîte de nuit entre le créateur de Napster et Zuckerberg est intéressante au sens où elle embarque le spectateur dans le monde de la réussite et des hautes sphères, c'est aussi la musique de la boîte de nuit, le montage et la manière de donner vie à ce nightclub qui vont donner le tournis : soit le temps de s'adapter à une autre vie, loin, très loin des poussières d'une chambre d'étudiant d'Harvard.

 

 

Jesse Eisenberg. Sony Pictures Releasing FranceDavid Fincher réussit avec brio son portrait, au sens où maintenant, nous pouvons savoir à quoi nous jouons vraiment en postant sur facebook. Son créateur fait l’office d’un portrait saisissant. Croyant émouvoir l’œuf, ne flirte-t-on pas avec le bœuf ? Car s’il est de plus en plus su et entendu que tout n’est pas net en matière de propriété intellectuelle pour nous autres utilisateurs, cela s’adjoint à la personnalité de ce patron « des données », pour le moins ambigüe, jeune et plein d’irresponsabilités. Est-ce une maladresse que de permettre à ses amis de poster les photos qu’ils veulent de vous en taggant et précisant bien que le gars qui tient la bouteille d’absinthe là, c’est vous ? (alcool interdit en France). Que devient le droit à l’image sous le régime facebook ? Est-ce une maladresse que de rendre difficile de discerner l’endroit où on peut effacer l'historique d’un tchat ? Pourquoi tout paraît si simple sur Facebook alors que tout est très compliqué en réalité ? Parce que Facebook est une idée de génie, tout du moins géniale de modernisme : il est comme un téléphone auquel on n’est pas obligé de répondre, il suffit de bloquer les amis ou faux-amis en trop dans votre réseau.

Jesse Eisenberg. Sony Pictures Releasing FranceZuckerberg a comme qui dirait inventé la consommation de l’Homme. C’est pourquoi le personnage, tel qu’il est montré par Fincher est à la fois détestable pour son invention, et attachant en tant qu'inventeur. Mais loin de là sa capacité à captiver son monde durant deux heures. Il s’agit d’un informaticien isolé, travailleur certes, mais coupé d’un certain monde. Ses réalités de créateur ne sont pas vos fantasmes de sociabilité. Facebook est venu à vous, et non le contraire. Ne l’oubliez pas. David Fincher décrit, au pays de l’american way of life, la très conventionnelle réussite d’un homme faite au détriment d’autres beaucoup plus nombreux, qui ont envoyé Zuckerberg en procès. Mais finalement lesquels sont cons, lesquels ont été naïfs ? A ce petit jeu-là des oppositions procédurales, c’est encore Zuckerberg qui finit gagnant. Fincher savait que l’Amérique du box-office n’aime pas les loosers, lorsqu’il avait découvert le scénario. Ce portrait doit donc convenir au créateur de facebook.

Jesse Eisenberg. Sony Pictures Releasing FranceFincher fait le job : je revois encore cette course d’aviron d’habitude soporifique aux JO, devenir si captivante que j’en fais le symbole du film. David Fincher impose d’entrée de jeu une cascade d’échanges verbaux qui transpirent à max la pertinence du scénario de 400 pages qu’on lui a demandé d’adapter. Il maintient ce rythme de dingue de manière à ce qu’entre ce qui est important à retenir et ce qui l’est moins vous soyez toujours en train de danser. Et il mène sa barque comme ça jusqu’au bout. Pour au final avoir réussi à rendre cette tranche de vie de quelqu’un qui n’intéresse personne hormis ses détracteurs, intéressante. Chapeau !



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Des Hommes et des dieux (Xavier Beauvois -sept10)

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Grand prix du festival de Cannes 2010, Des Hommes et des dieux ne vole rien, ni son prix, ni l’Histoire, dont les supputations vont bon train vers le manichéisme entre le noir du terrorisme et le blanc de la sagesse. Tout en nuance, tout en respect, tout en pause et contemplation impartiale, ce nouveau film de Xavier Beauvois (Le Petit Lieutenant) mérite les éloges tant le sujet est délicat.

                Pitch

Un monastère perché dans les montagnes du Maghreb, dans les années 1990. Huit moines chrétiens français vivent en harmonie avec leurs frères musulmans. Quand une équipe de travailleurs étrangers est massacrée par un groupe islamiste, la terreur s’installe dans la région. L'armée propose une protection aux moines, mais ceux-ci refusent. Doivent-ils partir ? Malgré les menaces grandissantes qui les entourent, la décision des moines de rester coûte que coûte, se concrétise jour après jour… Ce film s’inspire librement de la vie des Moines Cisterciens de Tibhirine en Algérie de 1993 jusqu’à leur enlèvement en 1996.

 

 

Olivier Rabourdin. Mars DistributionEn 1996, les têtes retrouvées décapitées de moines cisterciens, en Algérie, firent l’objet d’une grande couverture médiatique. Des Français, qui plus est des religieux, venaient d’avoir faits les frais d’une vague de terrorisme secouant l’Algérie. Le GIA serait l’auteur des meurtres. Puis le temps passa et l’idée d’une bavure de l’armée algérienne surgit. Ce qui modifiait la donne. Finalement aujourd’hui, c’est tabou. Un sujet tabou que traite Xavier Beauvois. Mais avec une réussite qui peut mettre tout le monde d’accord : Des Hommes et des dieux est une pause sur une tranche de vie, celle de moines cisterciens ayant choisi de rester près de leurs ouailles, en Algérie, coûte que coûte.

 

 

Mars DistributionCe qui avait frappé dans la bande-annonce, ces acteurs aux visages inspirés (Michael Lonsdale le premier, Lambert Wilson, Olivier Rabourdin), se révèle ne pas être un rideau de fumée. De bout en bout ce long-métrage s’adonne à une immersion dans le quotidien de la communauté monastique. Permettant de dépeindre les villageois pour lesquels ils représentent beaucoup. Et puis le choc de cette image d’un maçon croate égorgé, sera rapidement noyé dans le respect mutuel dégagé par la rencontre entre les auteurs de ce meurtre et de moines. Les moines sont apeurés dans leurs silences et autour de leur table sensée décider pour tous du but de leur présence en Algérie, mais ils parviennent à tenir tête à des terroristes qui venaient de semer l’effroi dans la région.

 

 

Michael Lonsdale et Adel Bencherif. Mars DistributionL’histoire d’une insoumission que Des Hommes et des dieux, ou plutôt d’une posture entièrement tournée vers la confiance, l’espoir. Au moyen de la sagesse, l’entraide, la prière et les soins. En face et tout autour, se dresse un monde complexe peuplé de militaires, de terroristes, de villageois dans le besoin. C’est dans l’intimité du monastère qu’est donnée aux spectateurs une tentative de compréhension d’un climat, d’une raison d’être. Et ce, avec tout le temps nécessaire, long et lent, qui permet de surcroît de voir avec les yeux de ces hommes sages. Des Hommes et des dieux est énormément sage. Sa lenteur frise parfois l’intoxication. Mais les silences et les regards parlent, il faut les contempler. Le cinéma dans son plus simple rudiment : sobriété, épurement.

Mars DistributionCe long-métrage est à saluer pour son rendu final mais aussi pour tout le travail effectué en amont, colossal. Réalisateur et acteurs sont allés observer avant de tenter quoi que ce soit. Ce qui offre aux spectateurs un portrait précis du quotidien d’une telle communauté ainsi qu’un fil rouge intrigant au film : quelle posture adopter ? Aucune ou plutôt la même, tout en force, courage, espoir et foi. Un film rare, tout comme Xavier Beauvois, trop rare derrière la caméra (Le petit lieutenant date de 2005).



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Master & commander (Peter Weir -2003)

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United International Pictures (UIP)Du cinéma à grand spectacle ! Peter Weir, réalisateur du film de guerre Gallipoli (1981 – avec Mel Gison), mène bien sa barque, de bout en bout. Mais où sont les étincelles, les séquences qui marquent ?

 

Pitch                  

En 1805, le capitaine Jack Aubrey est une des figures les plus brillantes de la Marine Royale britannique. Son courage, sa ténacité, son sens tactique lui ont valu le respect et l'admiration des officiers et matelots du vaisseau de guerre Surprise.
Fidèle compagnon de ces aventures, le Docteur Stephen Maturin est son exact opposé. Chirurgien, chercheur et naturaliste passionné, son amour de la musique est son seul point commun avec Aubrey. Ces deux hommes, si contrastés, n'en ont pas moins forgé de solides liens d'amitié. Attaqué par le navire français Achéron, le Surprise est gravement endommagé et perd une bonne partie de son équipage. Sourd aux conseils de prudence du chirurgien, Jack se lance à la poursuite de l'ennemi. Du Brésil aux Galápagos, en passant par les eaux traîtresses du Cap Horn, sa quête tourne bientôt à l'obsession...

 

Russell Crowe. United International Pictures (UIP)Le roman original, écrit par Patrick O’Brian, met le protagoniste principal, le capitaine Jack Aubrey, aux prises avec un navire américain. Pas du tout français comme dans le film adapté. Mais que voulez-vous ? Passé le 11 septembre, et le veto de la France à l’ONU contre le lancement de la guerre sur le sol irakien, les Français étaient devenus le « méchant moyen » que combattait l’Amérique à Hollywood. Les corsaires, qui remplacent le navire US, sont eux à la solde de la France de Napoléon Bonaparte. C’est pas grave, c’était l’occasion de mettre du Bonaparte dans l’intrigue. Encore que ce sont exactement les instants les moins fins du film, que lorsqu’il est question de Napoléon : « tyran », disent-ils, « il a placé des espions dans toute l’Angleterre », disent-ils. Etrangement, les allusions au grand amiral britannique Nelson, sont plus sincères. Celui-ci était de leur camp, à ces Anglais. Il est vrai. Et diaboliser un ennemi participe à la même chose que de gargariser son camp. Toujours est-il que, génialement, c’est la flotte de Bonaparte, dont il est désormais question. Et nous, Français, on ne va pas s’en plaindre.


Russell Crowe. United International Pictures (UIP)Le vaisseau ennemi qui taraude autour du Surprise du capitaine Aubrey (Russell Crowe), est un bateau corsaire. Des bougres payés par l’Etat français, pour chasser et croiser dans les eaux peuplés de britanniques. Pas les plus mauvais marins du monde, loin de là, que ces corsaires. Je dirais même les seuls derniers ennemis du savoir-faire britannique en matière de navigation et de guerre navale, depuis que l’Espagne s’était effondrée en mers, et pendant que la France n’avait pas trouvé l’équivalent sur mer, de sa tout puissance terrestre. On est donc en 1805. Les Anglais rêvent de capturer Bonaparte avant que la menace d’invasion du sol anglais, ne soit réalité. Mais ce bougre a décidé de rester les pieds qui touchent bien par terre, hormis une petite villégiature maritime en Egypte.


Russell Crowe. United International Pictures (UIP)Le réalisateur Peter Weir, talentueux mais trop rare à l’écran, a adapté un volume entier de la saga de Patrick O’Brian, narrant les exploits d’un capitaine anglais, pourchassé dans l’hémisphère sud par un vaisseau ennemi faisant deux fois son propre équipage. Pour jouer les leaders, Russell Crowe a de quoi faire. Et en plus, Monsieur est inspiré ! Il y a de quoi, quand on a la chance de jouer pour l’auteur-réalisateur qui a bercé son enfance néo-zélandaise et australienne. L’Australien Peter Weir et Russell Crowe font bien la paire. Cela devait causer bien anglais pendant le tournage. A moins que le casting, international, n’embête quelque peu la synchronisation. Parmi l’équipage, les acteurs viennent d’un peu partout dans le monde. Ils ont des vrais têtes bien authentiques, maquillage et costumes oblige.


Russell Crowe. United International Pictures (UIP)Les Anglais sont des « gentils ». Le médecin qui accompagne le capitaine Aubrey, joue les naturalistes et découvreur de nouvelles espèces animales. Une fuite, doublée d’une expédition, donc. Et les Anglais réussissent partout : subterfuges et leurres qui fonctionnent très bien contre les corsaires français, et malgré cela, la possibilité de trouver le temps d’arpenter les îles Galapagos. Peter Weir avait obtenu en effet, le droit de poser les pieds sur ce sol. Ce qui est dingue puisque c’est un lieu ultra protégé. Master and commander est un bon spectacle, qui fait affleurer de temps en temps de magnifiques séquences de batailles navales.


Russell Crowe. United International Pictures (UIP)Entre tout cela, le temps est passé à humaniser le vaisseau jusque dans ses soutes. Par contre, ce que pense l’équipage chargé de la canonnade, on en apprend rien. Priorité au corps des élites. Il y a en effet un vrai portrait de ces sous-officiers, jeunes et aristocratiques, qui doivent superviser leurs équipages. Il y a un bon duo entre le médecin joué par Paul Bettany, et Russell Crowe. Il y a une vraie longueur d’intrigue pas piquée des hannetons. Il n’y a pas de mièvrerie, d’idéalisation ni de surenchères patriotiques. Master and commander a juste à se reprocher l’absence d’étincelles : aucune scène ou séquence ne ressort du film, et le capitaine Aubrey ne prend jamais le temps de nous faire s’attacher à lui, et pourtant il avait de quoi. Rien ne marque de manière indélébile, le ressenti. Un film à grand spectacle, voilà ce que c’est, mais un de ceux qui envoient du bois.



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JFK (Oliver Stone -1991)

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Bande annonce du film américain 'JFK' réalisé par Oliver
envoyé par Nouvelobs. - L'info video en direct.


Joe Pesci, Tommy Lee Jones, Gary Oldman, Donald Sutherland, Kevin Bacon et Kevin Costner ! Quand Oliver Stone revisite l’assassinat de John Fitzgerald Kenney, rien n’est fait à moitié, à commencer par l’hypnotisme des images d’archives quand il ne s’agit pas de stupéfiantes reconstitutions au grain de pellicule près !



 

Pitch                                       

Evocation de l'assassinat du président John F. Kennedy. Evocation qui remet en cause le rapport Warren et penche pour la thèse du complot, défendue par le procureur, Jim Garrison (Kevin Costner).

 

À la suite de l'assassinat à Dallas le 22 novembre 1963, du président John F. Kennedy, le procureur de La Nouvelle-Orléans, Jim Garrison, remet en cause les conclusions du rapport de la Commission Warren et oriente plutôt son enquête vers la possibilité d'un complot. Ce film d’Oliver Stone se base d'une part sur le livre de Jim Garrison où il raconte son enquête, d'autre part sur les investigations de Jim Marrs, journaliste américain indépendant mais aussi et surtout sur le parti pris de Stone pour l’orientation de ces débats houleux. Si comme il est dit par Costner « méfiance ! ce qui est noir est blanc, ce qui est blanc est noir », affiche considérablement la couleur de ce monumental de longueur JFK, il ressort de bout en bout un manichéisme. Et ce dès le postulat de départ. Cela veut tout dire sur les intentions de Stone.



 

Kevin Costner achèvera le spectateur dans une larmoyante plaidoirie. Plaidoirie inutile au demeurant : le procès intenté contre Chow (incarné par Tommy Lee Jones) démontre pendant 30 minutes de long-métrage combien c’était voué à l’échec. Et ce depuis le départ. JFK est l’occasion pour Oliver Stone de proposer son 3e tome sur les années JFK. Après Platoon (1987) et Né un 4 juillet (1990), Oliver Stone s’attaque aux arcanes elles-mêmes de l’assassinat du tenancier d’une politique non-violente qui ne plut guère tout autour de son pouvoir. Inutile de revenir sur les ‘‘circonstances’’ qui ont créé les ‘‘circonstances’’ de la chute de ce dernier, à Dallas le 22 novembre 1963, Oliver Stone les montrant et démontrant trois heures durant.



 

La question est plutôt de critiquer Stone sur son artistique, et son choix d’auteur-réalisateur-producteur. Le choix d’un tel projet, dont le fonds repose sur trois fonds de vérité plus ou moins établis, à travers les visions combinées d’un journaliste, du procureur Garrison et de Stone himself, est particulièrement insensé vis-à-vis des visées commerciales. JFK, malgré toute la vérité qu’il entend défendre, est un film terriblement politique,… et lent, qu’aucuns producteurs ne se plierait à financer. D’autre part sa longueur, à pareille époque est rebutante. Voué donc, à un échec commercial ? Oui.



 

Les producteurs sont donc qui ? Oliver Stone lui-même ainsi qu’un ami. Pas facile donc de considérer une vision si personnelle du fonds de ce débat avec légèreté dans la mesure où le financer et artiste en chef est le même homme, et qu’il prend d’entrée de jeu le parti de faire des justiciers des héros, et des justiciables des démons. Entre les diverses théories de complot et comploteurs suggérées lentement par le fonds du film, se dressent en épine de houx au-dessus des têtes de chacun, la réalité d’un fonds iconographique et vidéo saisissant ! 




Entre la reconstitution historique vidéo, au maquillage et au grain de pellicule près, et l’insertion des séquences de l’époque, il y a de quoi noyer le poisson dans l’eau tout en répercutant sur l’ensemble des dires et faits et gestes des acteurs, de la vraie tragédie, celle qui nous touche, celle à laquelle on parvient aisément à s’identifier en tant que spectateur, à laquelle on croit dur comme fer. JFK est un échafaud qui mène à la mort ou politique, ou physique ou morale de l’ensemble de ses protagonistes, au sein d’un univers malsain et trivial !! Un grand moment de cinéma cependant.



 

Cette combinaison de deux enquêtes, l’une journalistique, l’autre dans le cadre d’une procédure judiciaire ayant échoué totalement, se mêle comme d’un seul à une trame pour le moins orientée. Le débat de fonds est clairement posé, avec manichéisme. Seules les pistes, les ‘‘hommes’’ sont mouvants, au cœur d’un très long film où est figée ad vitam aeternam une vision résolument personnelle des circonstances de l’assassinat de Kennedy. Et seules ces circonstances baignent le film sans jamais pouvoir proposer davantage.



 

Il faudra attendre 2029 et l’ouverture au public des archives US sur ce point. D’ici là, JFK reste trois heures de spectacle prenantes, un film terriblement lent et indigeste, qui aboutit à l’échec que tout le monde connaît s’il se penche un poil sur la question. A noter que Jim Garrison obtient en 1979 une très grande promotion, suite à cette procédure intentée trois ans après la tuerie de Dallas. Donc les bases du long-métrage de Stone ne sont pas du chiqué  au contraire. Là n’est pas le débat mais plutôt est-il à l’endroit de ce que l’on peut faire passer à un moment pour du spectacle, et à d’autres moments pour du message. Une œuvre remarquable dans son étude du fonds, moins dans sa forme et l’orientation d’un débat si sérieux et tragique.





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Braveheart (Mel Gibson - 1995)

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UFDMel Gibson se lançait dans sa deuxième réalisation. Et quelle réalisation ! Braveheart récolte deux oscars majeurs : meilleur film et meilleur réalisateur. William Wallace, William Wallace… Que sait-on de lui ? Pas grand-chose. Et que nous raconte Mel Gibson ? Beaucoup trop. Décryptage.


 

Pitch

Evocation de la vie tumultueuse de William Wallace, héros et symbole de l'indépendance écossaise, qui à la fin du XIIIe siècle affronta les troupes du roi d'Angleterre Edward I qui venaient d'envahir son pays.

 

Brendan Gleeson, Sean Lawlor et Mel Gibson. UFDAvant la Guerre de Cent ans (1337-1453) et l’indépendance de l’Ecosse (1328), il y eut effectivement quelques piques, quelques « précédents » qui ont percuté doucement mais sûrement le cours de l’histoire unissant, par la force, l’Angleterre à ses convoitises. Il y a quelque chose de Jeanne d’Arc en William Wallace, non pas parce qu’ils sont contemporains à un demi-siècle près, mais parce qu’en tant que héros populaire, ils souffrent tous deux de légendes exacerbant les réalités. Et c’est de ce héros que Mel Gibson osa pourtant évoquer la vie et le combat… La même démarche artistique sera employée ensuite par Luc Besson pour Jeanne d’Arc.

 

Mel Gibson et James Cosmo. UFDEntre un historien qui avait écrit le premier sur William Wallace seulement un siècle après la mort du héros et le fanatisme de Mel Gibson pour la fresque épique, la vie qui nous est « évoquée » là, de Wallace, est à mi-chemin entre de l’esbrouffrerie artistique et de l’histoire vraie. En l’occurrence, comment bâtir ne serait-ce qu’une « évocation » de la vie de ce héros, sur trois heures durant de film ? Et bien cela s’appelle du cinéma._

 

Brendan Gleeson et Mel Gibson. UFDMel Gibson avait touché beaucoup de monde en réalisant en 1993 L’Homme sans visage. Avec Braveheart il signe deux après, un coup de maître sur le plan de la reconstitution des batailles et sur l’empreinte laissée d’un romantisme fou sur un Moyen-Âge pas encore « Flamboyant ». Voilà essentiellement ce qui anima sans doute le bon souvenir laissé par une épopée que Mel Gibson a malheureusement téléguidé vers de l’héroïsme, du légendaire, se servant de cela pour structurer un personnage dont la majorité su et connu de lui n’a jamais été écrite par les témoins et acteurs directs de ses coup de maîtres militaires. Normal, les Ecossais, forts de l’oralité, n’allaient tout de même pas donner des clefs de compréhension à un ennemi qui venait de découper en morceaux un héros.

 

Patrick McGoohan. UFDBraveheart est un authentique moment de grand cinéma, alliant la prodigieuse force musicale de James Horner à une prouesse technique que de retranscrire un parcours au demeurant aussi formidable que celui d’Hannibal, le grand ennemi de la Rome impérieuse, par exemple. Depuis l’orphelin traumatisé par l’abattage de son père par des…Anglais, jusqu’à la puissance vengeresse provoquée par la mise à mort de sa bien-aimée, le début de présentation du personnage est relativement violent. Montée en épingle, la violence morale rejoint semble-t-il la violence physique chez le fanatisme de Gibson pour la fresque épique. Lorsqu’il s’attaquera plus tard à Jésus-Christ himself, Gibson ne dérogera pas à cet amalgame. La séquence de torture finale n’a-t-elle pas été coupée, enlevant ce que Gibson voulait montrer : un Wallace non seulement écartelé, comme sciemment montré, mais aussi traîné vif dans les rues, éventré jusqu’à se voir mettre le feu aux tripes ? Saviez-vous qu’en tant que « Traître à l’Angleterre », sa dépouille a subi le traitement habituel :  découpée en morceaux ? Non, Monsieur Gibson on ne peut pas tout montrer.

 

Mel Gibson et James Cosmo. UFDWilliam Wallace a en quelque sorte toujours cristallisé, en tant que héros populaire dont les exploits ont été véhiculés par l’oralité, l’ensemble des aspirations d’une Ecosse qui refuse que sa terre soit souillée. L’évocation de son enfance ne reprend au grand maximum qu’un simple mythe, habillé par Gibson. Un oncle lettré et guerrier qui le recueille très jeune, dès la mort de son père, pour l’initier, peut-être ; par contre oui, la réalité d’un puissant traumatisme survenu de la mort au combat de son père est à prendre en compte. Et malheureusement pour les Anglais, Wallace les a forcément associés à eux, en ces temps rendus obscurs par la mort du « dernier Roi » d’Ecosse laissant comme successeur une jeune femme ou plutôt une jeune FILLE de 3 ans.

 

Mel Gibson. UFDBraveheart est le portrait indirect et froid d’un impérialisme anglais sans nom, bien que le « droit de cuissage » ait été réutilisé par Gibson au service du scénario. Le droit de cuissage, ok pourquoi pas, mais pas pour diluer le sang de l’Ecosse, ce serait présomptueux. Le droit de cuissage est un point de heurt entre historiens, pendant que Gibson le fait passer pour une coutume, de plus aux visées impérialistes. Attention donc. Attention aussi à Edouard le Sec, il n’est pas mort le même jour que Wallace, alors encore moins en même temps ou à cause de la victoire morale de Wallace. Attention aux techniques utilisées pour battre deux fois les Anglais sur un field : même en surnombre, ces Anglais-là n’étaient pas ceux envoyés en Flandre par Edouard Ier dit le Sec, qui avait effectivement un autre combat à mener en parallèle, plus important (la France, pardi !!).

 

Mel Gibson. UFDWilliam Wallace et son épopée représentent aux yeux de l’histoire, ce que la Bataille de la Somme représente pour la bataille de Verdun par exemple : un événement intimement lié mais resté secondaire dans les annales, alors qu’en réalité il est d’égale emprise sur le cours d’une période historique. Disons donc que Wallace n’est pas une similitude de Jeanne d’Arc, au sein de l’histoire de l’impérialisme anglais, ni son avatar écossais, mais bien à la fois le symptôme et la cause de l’échec de la politique impérialiste anglaise de l’époque. Mel Gibson ne peut donc s’empêcher de faire débat quand il s’attèle au genre historique. Parce que depuis la micro-histoire il est capable de monter en épingle une grande fresque d’ampleur qui risque de ne pas plaire au monde auquel il destine toujours ses films depuis Braveheart. Mais son sens du romanesque à l’écran, est très puissant.



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Les Insurgés (Edward Zwick -2009)

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Affiche américaine. Edward Zwick a été connu plus pimpant ! Entre Le Dernier Samouraï et Les Insurgés, l’hollywoodien a laissé place à de la sobriété à tous les étages. Un bel hommage aux frères Bielski par ailleurs, bien qu’un peu d’ajustage dans le montage et une plus grande liberté musicale (bo) n’auraient pas été de trop pour donner du rythme.

 

Pitch     

En 1941, les armées d’Hitler envahissent l’Europe. Leur implacable progression coûte la vie à des millions de juifs. Pour trois hommes, cette tragédie marque le début d’une guerre dans la guerre : lorsque leur petit village de Pologne est envahi, les frères Bielski se réfugient dans une profonde forêt qu’ils connaissent depuis leur enfance. Ils se contentent d’abord de survivre mais la rumeur de leur exploit se répand et d’autres les rejoignent, hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, prêts à tout risquer pour rester vivants et libres. Peu à peu, les trois frères vont recueillir des centaines de pourchassés et contrecarrer les plans de leurs redoutables attaquants. Face à l’adversité, au nom de ceux qu’ils ont perdus, ils vont sauver plus d’un millier de vies…

 

 

 

Daniel Craig. Metropolitan FilmExportSobriété intense pour cet hommage aux frères Bielski, (campés par Daniel Craig et Liev Schreiber) héroïques en Pologne pendant les grandes rafles nazies et ce, il faut le noter, jusqu’à la fin de la guerre et au-delà. Il s’agit pour faire court de l’acte de résistance le plus fort de toute la Seconde guerre mondiale, en nombre d'hommes en armes réunis sur un même territoire de fortune : puisqu’il s’agit d'un millier de femmes, enfants et hommes qui sont protégés à l’abri d’une forêt, au prix de prises d’armes courageuses et d’une organisation communautaire héroïque. Dans cette période historique est gravée la dextérité de ces deux frères Bielski ainsi que leur réussite. S’ils en avaient péri, que serait devenu cet acte de résistance ? Sans doute une histoire minorée, faute de la mort des principaux acteurs et témoins, sans doute une histoire modifiée de part la version imposée par les vainqueurs et bourreaux sur leurs victimes.


Edward Zwick fait dans le Liev Schreiber et Daniel Craig. Metropolitan FilmExportsobre d’une manière dommageable. Une bande-son timide et sans étincelles, un montage très lent, … mais un scénario magnifique ! Les Insurgés est un film qui tranche radicalement avec le « grand spectacle » imposé par Le Dernier Samouraï, bien que ce dernier a su rester dans un certain cylindre de crédibilité. Les Insurgés est en effet pratiquement à contre-courant de l’acte de bravoure qu’il narre. D’ailleurs, pour une narration c'en est une. Pour l’aspect film par contre, cela manque de peps partout : musique, montage, présence d’acteurs, interprétations… L’astuce aurait été de réorienter complètement le scénario en offrant une voix-off en fil rouge, la voix d’un rescapé qui raconterait les frères Bielski, la vie dans cette communauté, la résistance dans la forêt, à travers ce qu’il sait, ce qu’il voit, ce qu’il entend. Edward Zwick aurait ainsi rendu le genre historique de son film beaucoup plus intéressant, parce que vu du dedans sans timidité.


 

 

Daniel Craig. Metropolitan FilmExportLes frères Bielski sont énormément respectés dans leur posture de l’époque, celle qui, faite de discrétion a permis le sauvetage d’un millier de réfugiés juifs. Mais à force de trop respecter son sujet, on retire le côté cinéma d’un film historique. Et à force de coller à cet empirisme existentiel qui a été celui de cette masse de réfugiés logés en forêt, on rend un film totalement sobre et pratiquement hors-sujet du champ du cinéma. Il est évident que les aficionados du genre historique trouveront à quel film parler, à travers Les Insurgés. Mais il faut considérer cette œuvre de Zwick comme un film lent, très humain (c’est un grand point positif pour le genre historique) mais sans doute trop dans la recherche de l’humain.


Mia Wasikowska et Jamie Bell. Metropolitan FilmExportMalheureusement ce qui tranche avec cette recherche constante, c’est l’incapacité générale de Zwick de véhiculer des émotions, même dans les actes les plus barbares ou autour des victimes les plus malheureuses.


Les Insurgés offre un respect rétrospectif sur cet acte de résistance, mais celui-ci étant colossal, ce film est comme mangé par son sujet, dévoré par sa timidité, mais magnifiquement réfugié dans la Mémoire qu’il est tout-à-fait capable de véhiculer auprès d’un public cinéphile. Et cette mémoire manquait justement de cela pour se rendre accessible à un autre public que les lecteurs : Zwick n’égale pas les meilleurs livres d’historiens sur cet acte de résistance colossal, mais il l’illustre avec ses codes cinéma à lui.



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Gainsbourg -vie héroïque- (Joann Sfar -janv2010)

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Eric Elmosnino. Universal Pictures International FranceGainsbourg, Gainsbarre en veux-tu en voilà ! Et du propre comme au figuré ! Dans la forme, il s’agit d’un conte peuplé de rencontres audacieuses, entremêlées grâce à l’utilisation d’un « diable » (sa petite voix, son double) aux contours caricaturaux, et dans le fonds il s’agit d’un portrait anglé sur les rencontres musicales, la jeunesse et la décadence d’un artiste.

Pitch        

La vie de Gainsbourg, du jeune Lucien Ginsburg dans le Paris occupé des années 1940, jusqu'au poète, compositeur et chanteur célébré dans le monde entier. Le film explore son itinéraire artistique, du jeune homme épris de peinture à la consécration de sa musique dont l'avant-gardisme en a fait une véritable icône de la culture française. Mais aussi la complexité de sa vie adulte à travers ses amours tumultueuses.

 

Laetitia Casta et Eric Elmosnino. Universal Pictures International FranceGrandeur et décadence. Quand Gainsbourg est personnifié au poil près, retravaillé au couteau d’un styliste de la séquence tel que le prouve Joann Sfar, inutile de passer son chemin devant cette pause musicale mi-trash, mi-biopic que ce Gainsbourg –vie héroïque. Rien qu’à voir les têtes castées pour les rôles respectifs des grands de ce monde rencontrés par l’homme à la tête de choux, il est évident que le gros du budget et du travail se résume à une certaine authenticité.

 

Eric Elmosnino. Universal Pictures International FranceUne vraie marque que laisse le jeune Joann Sfar sur son œuvre, celle de ses créatures caricaturales : elles servent de tampon entre les séquences, quand elles ne permettent pas de rentrer plus facilement dans la tête d’un rôle-titre qui n’en dit pas long. Il y a comme qui dirait autant de séquences réussies que de rencontres. Une rencontre pour Gainsbourg, une chanson écrite et composée et donc une réussite cinématographique tant musicale que visuelle.

 

Lucy Gordon et Eric Elmosnino. Universal Pictures International FranceCasting, force du casting et volupté musicale associée… ce film a retenu Laëtitia Casta pour interpréter Bardot. Le rythme et l’intonation de la voix sont vraiment là. Bravo. Casta a donc bel et bien fini de prouver que le mannequinat c’était avant. Anna Mouglalis en ténébreuse Gréco à la voix rocailleuses. Pourquoi pas on y croit. Katerine en Boris Vian, allez on va dire pourquoi pas, cela permettra un duo musical au piano de Gainsbourg rare !

 

Anna Mouglalis et Eric Elmosnino. Universal Pictures International FranceOn y croit, on ne tient très vite plus grief de cette légèreté imposée à chaque intrusion des « bêtes de nuit ou de jour » qui peuplent ce conte. Et on se prendrait presque à sangloter une ou deux fois, rire quatre fois, pour apprécier une bonne fois pour toute cette relecture audacieuse de la vie de Gainsbourg/Gainsbarre. On notera quand même la force étrange qui s’associe à la décadence de l’artiste, en seconde partie de film, une force qui nous fait l’apprécier comme le détester à la fois. Gainsbarre, Gainsbarre, Gainsbarre…

 



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Les Sentiers de la gloire (Stanley Kubrick -1957)

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Les Sentiers de la gloire est l'un des films les plus cyniques du réalisateur Stanley Kubrick. Interprété avec justesse et conviction par Kirk Douglas, ce pamphlet sur l'absurdité de la guerre et l'irresponsabilité de ceux qui la décident, a longtemps été interdit en France. Les cinéphiles diront bien sûr, que Les Sentiers de la gloire est un chef d'oeuvre. Bien leur en a pris. Mais outre la limpidité et la clairvoyance du pamphlet de Kubrick, et sa qualité artistique, aucuns historiens n'approuveront l'isolement du cas français alors que ce conflit a vu ses impératifs nationaux se soumettre au champ du monde. C'est la plaie restée béante, qu'a laissée Kubrick et qui a enclenché la procédure d'interdiction en France.

                                 Pitch

En 1916, durant la Première guerre mondiale, le général français Broulard ordonne au général Mireau de lancer une offensive suicidaire contre une position allemande imprenable surnommée « La Fourmilière ». Il s'agit de la cote 110. Au moment de l'attaque, les soldats tombent par dizaines et leurs compagnons épuisés refusent de reprendre l'assaut.

Kirk Douglas. Ciné ClassicCe qui chagrine beaucoup dans cette œuvre de Kubrick, c'est ce froid réalisme ! C'est réaliste, c'est crédible, et pourtant Kubrick dit tout le contraire de ce qu'il fallait dire aux « poilus » de 14, si la France voulait maintenir la cohésion de la défense nationale. Kubrick fait très mal du coup, parce qu'il place comme objet de scénario, le procès de trois soldats tirés au sort et condamnés pour lâcheté au combat, terriblement au-dessus des phases de bataille en tant que tel. Point de métaphore filée autour des notions d'héroïsme, de dextérité, mais une description limpide et dépouillée d'une procédure de mise à l'amende arbitraire de soldats, tirés au sort et condamnés à la mort pour être donnés en exemple au reste des troupes, avec un appui total de Kubrick, à bras le corps sur l'insalubrité éthique d'une absence de plaidoirie, de rédaction de procès-verbal et de possibilités de réponse contextuelles laissées aux soldats face à l'accusateur publique.

George MacReady et Kirk Douglas. Ciné ClassicLe pire c'est que Kubrick donne la qualité d'un brillant avocat d'assise français, pour incarner ce colonel d'armée choisi pour ordonner une offensive à laquelle il ne croit aucune issue positive à l'avance. Celui-ci apportera donc de l'eau au moulin du procès à l'encontre de la méthode utilisée de donner un semblant de procès à mort pour maintenir la cohésion de l'armée française. Sans oublier que Kubrick n'avait pas oublié de prêter à juger combien cette cote 110 était imprenable, en mettant en scène un Kirk Douglas cynique sur l'application de son ordre, et un général d'autant plus cynique puisqu'il est décrit comme totalement détaché du moindre sort auquel ses ordres irréfutables peuvent conduire.

Non, vraiment non, Kubrick a fait très mal de bout en bout, ne délaissant ci et là, aucune faiblesse de scénario qui l'aurait fait brûler en France. Le Géant des géants avait une fois de plus, dans un nouveau genre cinématographique, conquis l'artistique, le monde du 7e Art. Mais dans le fond, Kubrick ne peut être soumis à son tour à un procès d'attention. Pourquoi avoir osé sélectionner la France pour tourner en dérision ses méthodes pendant la Grande Guerre ? En Allemagne, en Angleterre avaient été utilisées pareilles méthodes. Et puis dans ce cas, quitte à choisir d'assombrir la mémoire des chefs d'armée français, pourquoi n'avoir engagé que des acteurs anglo-saxons et allemands ? Pour des raisons de tournage et de langue sans doute, mais aussi et surtout parce que le scénario n'aurait été accepté par aucun acteur français...

Stanley Kubrick peut être vénéré pour son travail global au sein du cinéma, il peut être chanté pour les messages qu'il parvient à faire jaillir de la pellicule de films comme Full Metal Jacket, 2001 : l'Odyssée de l'espace. Mais là, Kubrick semble avoir cumulé la roublardise désinvolte de L'Ultime Razzia avec un vrai sujet hautement plus ambitieux. Et là, attention les dégâts. Car on ne peut pas donner à voir, prêter à penser sur le thème des tribunaux militaires, en faisant de la notion d'arbitraire tout un vaste procès d'attention, même les plus artistiques, à l'encontre de méthodes disciplinaires qui avaient cours dans plusieurs autres pays belligérants en 14-18.

Timothy Carey (à gauche). Ciné ClassicPourquoi ? Parce qu'une guerre ayant placé l'homme de chair au devant d'une telle machinerie tueuse, était une première dans l'histoire, qui l'a tout autant été pour les Allemands, les Anglais, les Australiens, etc. Quand cela est dit, un «choc de pensée, de conception » aussi universel que la première guerre a été mondiale, a certainement vu des simulacres de procès avoir lieu partout ailleurs qu'en France. Pour les mêmes raisons, avec les mêmes méthodes. C'est vrai que la France a été le « grand » théâtre de la Première guerre, pourquoi Kubrick n'aurait-il pas choisi celui-ci ? Justement, la France a suffisamment souffert au regard des autres pays, pour avoir à interdire un tel pamphlet clair et limpide fait par Kubrick dans ces années 50 d'après Seconde guerre mondiale (et oui ! Après un 2e conflit mondial). Parce que si les libertés des anglo-saxons en matière de cinéma ne cherchent pas forcément à s'imposer au monde ou y diffuser leur souffle et leur chant, elles s'arrêtent toujours là où la moralité commence. Or, en matière de moralité, si les chefs d'état-major n'en étaient point exempts au regard de leur responsabilités, ou si ce général « idéaliste » avait de quoi brimer ce type d'ordre d'offensive suicidaire, en aucun cas il ne faut oublier la moralité qui tient, dans un film sur la Première guerre mondiale, au lien dangereux et fatal qui unit un belligérant à un autre. Or, Kubrick, parle de la France, que de la France, sans proposer un contre-champs d'analyse qui serait celui du belligérant d'en face, en l'occurrence l'Allemagne.

Timothy Carey (le soldat). Ciné ClassicToute la faiblesse du pamphlet de Kubrick (même le plus clairvoyant possible), réside en cela : la guerre se mène entre deux nations, deux armées, et même lorsqu'il y a des dissensions internes dans un camp, l'autre camp n'y est pas étranger. Or, Kubrick n'a ni exposé la vision adverse des tribunaux militaires français, ni suggéré le non particularisme français de ces tribunaux expéditifs, encore moins Kubrick n'a étayé son pamphlet contre l'absurdité de la guerre par la plus simple présence d'un ennemi à la France, qui justement participe indirectement à la mise en place de procédure disciplinaire de part son adversité. Mais Kubrick a peut-être confondu les grandes batailles avec un tel grand conflit mondial. Kubrick aurait-il confondu la bataille d'Azincourt avec la guerre des tranchées ? Non, son pamphlet est semble-t-il délibéré...



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Walkyrie (Bryan Singer -2008)

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Affiche américaine. TFM DistributionQuand on connaît la petite histoire dans la grande à l'avance, c'est-à-dire mesurer combien parmi les 15 attentats tentés contre Hitler, celui de Von Stauffenberg était le plus audacieux, alors le film devient intéressant et haletant. Par contre quand on ignore tout de tout, alors j'imagine aisément qu'en tant que spectateur on se dit à quoi bon. Car le problème majeur de ce long-métrage est son rythme et sa bande-son.

Pitch                         

Berlin, 1944. Fidèle serviteur de son pays, le colonel Von Stauffenberg (Tom Cruise) s'inquiète de voir Hitler précipiter l'Allemagne et l'Europe dans le chaos. Comprenant que le temps presse, il décide de passer à l'offensive et prend la tête d'un complot de haute tension : l'Opératon Walkyrie destinée à éliminer le Führer. L'officier se retrouve donc en première ligne : c'est lui qui devra assassiner Hitler.

 

 

Tom Cruise. United ArtistsQuelques musiques à suspense et une caméra plus macro sur les objets, les plans préparés, les perles de sueur sur les tempes, auraient inévitablement conféré à Walkyrie une vraie ambiance de suspense majeur. Imaginez un peu, que de préparer l'assassinat de l'intouchable Hitler ! Mais non, on en restera à cette bravoure aveugle, retranscrite jusque dans le moindre de ses détails hormis ceux de l'audace. En guise d'audaces, on nous sert des convictions, du sang-froid, de l'aveuglement, du risque. Mais avec des musiques haletantes ou une caméra introspective, Walkyrie aurait pu devenir un film à suspense majeur.

Walkyrie fait place à la sobriété. Retranscription fidèle, pour un film US, calme et posée, cette histoire filmée ne nous fait point non plus l'écueil de mettre qui vous savez sur un piédestal, celui de l'héroïsation. En même temps, le film ne semble comporter aucunes transpositions actuelles, qui feraient passer sa substance, par exemple pour du prosélytisme envers certaines valeurs. Non. Walkyrie a choisi la sobriété d'une histoire dans l'histoire, avec respect.Tom Cruise. TFM Distribution Il est un film historique US étonnant, même ! Point de caricature de l'ennemi du moment, mais vraiment une fidélité au microcosme germano-allemand du moment. Avec pour nous une immersion intrigante, dans l'Allemagne de 44, ses services intérieurs, ses comploteurs, son état-major et sa "Tanière du Loup".

Un suspense à couper le souffle ? Non. Alors que cela était d'ores et déjà promis par le scénario, en toute logique quand on sait ce qui se trame pendant près de deux heures : Von Stauffenberg et le complot le mieux préparé des quinze tentés contre Hitler ! Jamais aucun n'avait réussi. Tom Cruise. TFM DistributionTout de suite dit, cela intrigue, cela attire. Et bien Walkyrie ne déçoit pas les à priori que l'on pourrait avoir. C'est un film historique tout simplement réussi, mais pas majeur dans le registre à suspense dans lequel il s'inscrit. La sobriété du fond qui est essentielle dans un film d'histoire, aurait dû épouser une espèce de démesure artificielle (musique, montage, réalisation), pour hisser Walkyrie relativement haut en matière de cinéma assumé. Bryan Singer rend tout de même une belle copie.



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