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De la violence dans la trilogie ‘‘Jason Bourne’’ : essai…

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Il conviendrait de parler de cette ossature répétitive, inhérente au 1, 2 et 3. Une trame scénaristique qui fonctionne un peu pareil que l’on soit dans n’importe lequel des trois épisodes. On ne peut faire long sur ce point tant qu’on ne peut comparer avec la structure même du livre original, mais il semble que Robert Ludlum ait bâti ses séquences d’action un peu de la même façon. Cherchant toujours à déjouer les cas d’école, en matière de corps-à-corps entre deux agents formés l’un l’autre pour tuer. Comme si Ludlum avait voulu imposer de suite une autre manière de raconter le microcosme des agents secrets terroristes, ceux formés pour éliminer la concurrence, qu’elle soit de l’intérieur comme de l’extérieur –des nettoyeurs-. Il n’y a jamais de cas d’école dans ces accrochages avec Bourne : rien n’est facile, il faut malice, patience et masse athlétique. Doug Liman et Paul Greengrass ont sans doute suivi à la lettre les formes de combat écrites par Ludlum. Car ces formes de combat sont communes à l’ensemble de la trilogie…se répétant même parfois dans leur dénouement ou leur forme !

Au premier chef, il y a cette intransigeante volonté d’opposer l’agent Bourne à d’autres tous aussi connaisseurs du nettoyage que lui. Cela arrive par petites salves tout au long de la trilogie, tel un fil rouge. Bourne vogue bon gré mal gré de règlement de compte à mains nues en règlements de compte, avec des doubles de lui. Clive Owen incarne le tireur d’élite dans le 1, l’arme la plus sûre, car ne mettant jamais le prédateur sous l’emprise de sa victime. Karl Urban, un ancien du ‘‘Seigneur des Anneaux’’, joue le baroudeur de grand chemin, qui parcourt le monde avec son porte fusil à lunette dans le dos, en tissu beige. Un autre, dans ‘‘la Mémoire’’, défonce une baie vitrée en plein Paris, croyant prendre Bourne par surprise, puis se recroqueville sur une petite lame triangulaire vissée sur son poignet. L’opus 3 livrant lui aussi d’autres sacrés lascars prêts à en découdre avec Bourne.

Matt Damon a du soulever de la fonte pour être crédible dans son rôle. Heureusement finalement, car sa petite taille l’aurait rendu peu crédible en vue d’incarner cet agent. Il faut en effet avouer combien son personnage semble irrésistible. Si les ennemis disparaissent de l’écran en moins de 5 secondes –ambassade de Zurich par exemple-, les combats contre d’autres tueurs à gage apparaissent enfin comme une cerise sur le gâteau. Mettant sans doute la plupart des spectateurs dans l’attente du prochain tueur…à dézinguer. Ces combats là, bien chorégraphiés, sont un peu l’essence de la toute la trilogie, son carburant. Ils tiennent au minimum les 2 minutes. Ce qui est énorme comparé aux autres règlements de compte –contre les services d’ordre, de sécurité ou de police, les pisteurs de la CIA aussi-. Ce combat ‘‘cerise sur le gâteau’’ qui fait frissonner à l’idée que Bourne y laisse des plumes. Ce combat qui accompagne d’une vive attente les spectateurs ne pouvant se contenter des phases de pistages –Bourne poursuivi, ou poursuivant d’autres de la CIA-.

Entre violence suave et sueurs froides

Si l’entière filmographie des films d’action US, vieillie pour de bon par les productions plus complètes comme ‘‘Lethal Weapons’’ ou ‘‘Die Hard’’, souffrait d’un manque criant de fond, il leur reste peut être encore ce fort goût de faire long sur les séquences de combat. Trop souvent, traîner en longueur rend naïves bien de ces séquences –la plupart des films d’action ne sortent plus qu’en dvd directement, désormais, voire directement sur des chaînes en pay-per-view-, mais de très rares films spécialisés action garde en eux de très, très bonnes séquences de castagne, qui éventuellement auraient pu donner envie à Greengrass de faire parfois plus long ! Mais fort souvent, ces films d’action insistent trop, manquent de chorégraphie, ou pire encore, sont trop chorégraphiés ! La trilogie ‘‘Dans la peau’’ cherche avant tout un certain réalisme. Ce dont on ne peut lui tenir grief : hormis la caméra tournoyante de Greengrass, dans le volet 3, les accrochages de Bourne restent honnêtes ! Le problème de ces combats n’est pas dans leur visuel…mais dans le fond qu’elles apportent à l’intrigue, et à la profondeur qu’elle confère –ou non- au personnage de Jason Bourne. Explications…

Si la trilogie évite l’écueil de cette naïveté décérébrée –films d’action US-, il reste quand même le problème de certaines bastonnades qui sont trop courtes. Ce n’est pas que pour un problème de manque d’hémoglobine, de sueurs froides ou autres, c’est aussi et surtout pour la crédibilité même du personnage de Bourne. Qu’il soit invincible, est finalement plus inhérent aux films d’action US, qu’à un vrai thriller à fond d’intrigue. Le problème d’un Bourne dézinguant n’importe qui d’une simple clé de bras, peut faire souffrir le côté humain de son personnage. Etre irrésistible, paraître invincible, c’est important pour un agent, et si dans le 1 cela a son entière place –le spectateur découvre avant lui-même qu’il est un tueur en puissance-, dans le 2 certains séquences font pâlir le tableau d’ensemble. Que ce soit à Berlin, Goa, Moscou ou Naples, Bourne parcourt le monde sans vrai problème, sans laisser des plumes.

Matt Damon. Paramount Pictures France

Si la garde à vue de Naples est grossière, de par cette rapidité à voler les puces des téléphones portables, juste après avoir assommé deux gars en deux coups de poings, il faut avouer tout de même que les poursuites en voiture dans Moscou, et cette balle qui perfore l’épaule de Bourne, font plaisir. Voilà que l’invincible saigne, que l’irrésistible est sur le point de chanceler. Le côté humain du personnage revenant enfin, avec notamment cette compassion qu’il développe dès lors qu’il doit annoncer la mort d’un couple de ses propres mains, à une jeune femme désormais orpheline. La Mort dans la peau revêtant alors son statut de transition quasi-parfaite, dans la forme comme dans le fond… Jason Bourne met alors définitivement hors jeu ‘‘James Bond’’, et inspire sans doute grandement la productrice Broccoli à humaniser enfin le rôle titre de ‘‘Casino Royale’’ : Daniel Craig. ‘‘Bond’’ pisse le sang, enfin, il manque de crever pour de bon, d’un arrêt cardiaque, enfin, enfin bon…cet effort ne colle peut être que le temps d’un film, qui sait ce que deviendra Bond une fois qu’il ne sera plus le débutant ?

Cette répétitivité dans la forme et dans le fond, ne pouvait plus donner de quatrième épisode honnête. L’échiquier ‘‘Jason Bourne’’ est d’ores et déjà échec et mat’

Le personnage même de Jason Bourne reste problématique. A lui tout seul, et sans l’entraide des autres personnages, il est un total modèle de héros de film d’action. Sans les rencontres fatales qu’il subit, il n’avance pas –autres agents, tueurs à gage, membres hauts placé de la CIA-. Sans cette intrigue centrée sur la CIA, sans tous ces pisteurs de la CIA, ces tueurs à gage crachant une dernière info avant de mourir, que deviendrait Jason Bourne… ? Que serait aussi, tout ce vrai fond d’intrigue de suspense, de thriller de haute sphère ? La manière d’en découdre de Bourne est un paradoxe à elle toute seule. Il dézingue très vite tout le monde, rassurant toujours le spectateur, autant qu’il décrédibilise l’histoire. Des séquences répétitives en somme, à l’échelle des trois opus : comme ces poursuites en voiture qui voient le tueur à gage ennemi ensanglanté et assommé au volant de son bolide, ces autres tueurs à gage qui finissent étranglés dans leur sang, ou encore ce tireur d’élite du 3 –dans la gare-, qui manque de finir comme le Clive Owen de l’opus 1, etc… Un archétype d’ennemi qui se répète : le tueur à gage comme ultime rempart dressé contre Bourne, au premier desquels le tueur marocain de Tanger ! Mais encore et toujours, ce cadre d’intrigue fantasmagorique offert par la CIA, permet toujours de tisser des liens solides, et d’inhiber le spectateur toujours plus à mesure qu’elle met en danger Bourne.

Matt Damon. Paramount Pictures France

La trilogie répond ainsi à des fantasmes de môme ! Le combat agent contre agent, la CIA non plus comme ami mais comme ennemi, la violence malgré Jason Bourne, comme théâtre d’une quête identitaire. Plusieurs fils rouges finalement, qui passent comme de la répétition dans la forme ou dans le fond de la trilogie, mais qui restent les meilleures armes d’un ensemble d’action/suspense rarement égalé au plan crédibilité. Entre mythe et réalité, entre violence suave et sueurs froides, la trilogie Bourne devient l’archétype du thriller de demain : non plus seulement de par le caractère haut placé de son personnage, mais de par la très fine frontière qu’il y a sans cesse entre la victime et le prédateur, le coupable et l’innocent…l’inversion inopinée des rôles et statuts devenant la matrice d’une tension lente mais constante ! Cette répétitivité dans la forme et dans le fond, ne pouvait plus donner, par contre, un quatrième épisode honnête. L’échiquier est en effet d’ores et déjà échec et mat’.

 

 

 

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