Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

La Révolution Française (Robert Enrico / Richard T. Heffron - 1989)

Publié le

La Révolution Française est LE film historique de 2009 ! D'accord, il était sorti pour le bicentenaire de la Révolution, en 1989. Mais faut-il rappeler que jusqu'au 11 juin 2009, un certain nombre de personnes attendaient une sortie dvd. Par exemple les professeurs d'histoire, pour qui ce double long-métrage est un livre ouvert susceptible de faire passer auprès d'un public scolaire, ce qui serait plus morne à raconter. En grande pompe ? Malheureusement, non. A film historique, sortie dvd non historique, c'est bien connu. Deux exemplaires dvd par point de vente, un point c'est tout. Et encore ! TF1 est le mécène de cette grande sortie, un des poids-lourds du marché du dvd ! La Révolution Française se décompose en deux volets : les années Lumière, les années Terribles. Deux réalisateurs différents, pour un même casting insolent de maîtrise et d'inspiration, et une écriture de scénario des plus expertes. Qu'il ait la vocation d'être montré dans les écoles, ou d'être regardé comme un film comme un autre, La Révolution Française est à ce jour la plus grande réussite cinématographique du genre historique, en terme d'authenticité des faits relatés, de la corrélation qui les noue entre eux. Et puis faut-il rappeler que la Révolution Française est sans doute la période la plus complexe à exposer, ce qui fait du cinéma, qui est une pomme avec le ver de la subjectivité au milieu (un réalisateur doit toujours choisir un point de vue), la limite qui aurait dû ridiculiser toute la démarche liée à la commémoration du bicentenaire de 1989. Et bien quand on mesure cet état de fait, on établira véritablement La Révolution Française comme le projet cinématographique le plus abouti du genre historique.

 

Pitch                                                              

L'histoire de la Révolution française en deux parties.

- Les Années Lumière : Les évènements de 1789 au 10 août 1792, quand le roi Louis XVI est jeté dans la prison du Temple, suite à la prise par le peuple de Paris des Tuileries. Un volet baptisée « Lumières » dans la mesure où vous serez guidé parmi le dédale d'événements grâce à l'œilla pensée et au rôle de d'acteurs majeurs de cette « incorporation » du Roi à ce qu'on aaaaappellera dès lors les citoyens, c'est-à-dire via Mirabeau, Desmoulins, Danton, Robespierre, Lafayette, etc.

- Les Années Terribles. Vous suivez les faits jusqu'àà la fin de la Terreur en 1794, avec les exécutions de Louis XVI, Marie-Antoinette, Danton, Desmoulins... Avec une vraie force scénaristique démontrant dans l'ensemble, la surenchère pernicieuse et fatale qui fait des acteurs majeurs du mouvement parisien révolutionnaire les nouveaux ennemis de la Nation. De même que les premières insurrections vendéennes ne sont que « dites » dans l'opus 2, celui-ci arrête le cours de son scénario avant que les guerres de Vendée ne dégénèrent, passée la chute de Robespierre.


Collection Christophe L.Robert Enrico eut la lourde tâche d'entamer ce vaste projet. En octobre 1989, Les Années Lumière est diffusée dans les cinémas. Mais le public ne suit pas. La maison de production Les Films Ariane, qui avait eut le cran d'épouser de ses finances une ambition cinématographique immense, eut aussi le malheur de mettre la clé sous la porte. Son égérie Belmondo, alors relancé par ailleurs chez Lelouch dans Itinéraire d'un enfant gâté, ne connaissait plus ces temps magnifiques où les cinéphiles se rendaient tels des morphalous dans les salles obscures. Qu'à cela ne tienne, le grand bébé est là et bien là, d'autant plus depuis le 11 juin 2009, le jour où l'esthétique revint au galop pour sauver en dvd, ce qui se mourait doucement mais sûrement en VHS, dans les écoles et ailleurs...

<< Montre ma tête au peuple.

Elle en vaut la peine ! >>

(Danton -Brandauer- à Sanson, -Christopher Lee-,  sur l'échafaud)

Robert Enrico, l'homme au « Vieux fusil », a apporté toute sa maîtrise, pour mettre en scène un film choral quasiment hors-norme. Un de ces films où non seulement un acteur connu joue quelqu'un de plus connu que lui (ambitieux), mais où un personnage doit être rendu pour ce qu'il représentait, ce qu'il pensait, ce qu'il était (humilité). On admirera ce casting tonitruant qui a répondu présent, à commencer par Klaus Maria Brandauer (l'égal de son personnage), sans oublier Jane Seymour (convaincante en reine désabusée), Jean-François Balmer (très juste, en roitelet), Andrzej Seweryn (habité idéalement pour incarner ce pensif de l'ombre Robespierre), etc. Et puis on relèvera l'immensité des personnages habités le temps de deux longs-métrages de plus de 2 heures chacun. Ils offrent un grand spectacle, dans la mesure où le choix d'interprétation est celui de coller aux faits et gestes et aux dires des leaders du mouvement révolutionnaire parisien, qu'ils soient sans-culotte (Legendre, par Jean-François Stévenin), ou journaliste dont l'écriture anime les débats (Desmoulins par François Cluzet).


Passée cette sobriété choisie, dans les interprétations, c'est effectivement un film accompli qui déroule sa pellicule sous vos yeux. Les enjeux sont terribles, on ne peut que croire que les acteurs pensent ce qu'ils disent. Les Américains parleraient d'actors studio, mais il s'agit bien d'abord, de tournage en cadre réel (ou si peu : par exemple il faut noter que ce n'est pas la Bastille que l'on voit évidemment à l'écran mais le château du Roi René à Tarascon), et d'une véracité d'acting liée à ce qui est jeté verbalement, démontré, et non à des postures dont on n'aurait jamais vraiment tout-à-fait saisi les tiques et facéties gestuelles. Marat, incarné par l'Italien Vittorio Mezzogiorno, a été saisi tout de même à travers sa maladie de peau, celle qui lui faisait prendre des bains fortement régulièrement, ou encore lors de la plaidoirie qu'il lance, Brandauer illumine son Danton de personnage. Mais qui aurait pu emmener les prestations au-delà ?

 

 

Après un premier volet sobre, méticuleux et respectueux, de Enrico, le respect demeurera bien évidemment, heureusement pour le genre historique auquel ce double film se rattache, mais contre toutes attentes, Richard T.Heffron surpassera Robert Enrico ! Les événements l'y ont-ils aidés ? Pas forcément. Il est bien plus difficile d'ouvrir les débats, d'inaugurer un tel projet d'ampleur européenne, comme l'a si bien fait avec maîtrise Robert Enrico, que d'en prendre la suite. Mais Heffron gardera pour lui cette capacité à s'aligner sur un rythme historique qui était lui-même des plus fous, passée la chute du roi. Son œil est toutefois le même : il est celui encore des acteurs eux-mêmes. Or, cette fois-ci l'étau se resserre sur tout le monde, tandis que seul le roi (incarné avec justesse par Balmer), devait jusque là rendre des comptes au peuple de Paris (car il doit être clair qu'il s'agit pour vous de comprendre la révolution parisienne, ne cherchez pas à prendre du surplomb sur des événements qui avaient été à la source terriblement parisiens). Les chutes des têtes, à travers l'implacable machine de Guillotin, allait mettre à terre les ambitions et tout le travail d'hommes politiques influents comme Danton. Et Heffron suivra très bien ce rythme de déchaînement, de purges, et de premiers ébats bouillants de la politique à la française. La guillotine n'est plus aujourd'hui, mais les médias pourraient tout aussi bien incarner cette mécanique qui structure et déstructure un homme d'influence.

 

 

C'est en prêtant à vivre la révolution française par les « grands » qui l'ont mené, que Enrico et Heffron sont parvenus à éviter les écueils d'une recontextualisation dangereuse ou d'une réutilisation à bon compte de ce qui est resté comme le dernier champs de bataille de la royauté absolue en France, tout comme le premier chant du coq auprès des peuples d'Europe. Et c'est pour cette capacité à rester les pieds bien au sol, les tripes bien dans Paris et les ambitions bien dans une poignée d'hommes à l'influence soudaine et aveuglante, que le diptyque La Révolution Française crève l'écran comme reconstitution historique, comme film choral, film à grands costumes, comme authenticité et respect envers ce qui était et ce qui doit être légué comme témoignage pour la mémoire. On pourrait renverser le scénario dans tous les sens, qu'il n'y aurait pas une meilleure façon de procéder, mais seulement des ajouts annexes qui à eux seuls, pourraient remplir quelques films supplémentaires. Mais on frôlerait le fanatisme d'historien... Voire celui de cinéphile. C'est en cinéphile qu'il faut mesurer surtout la qualité d'un tel projet, bien qu'ils vous en coûtera de vous documentez, pour saisir toute la réussite d'une telle reconstitution historique. Et là c'est un conseil de cinéphile passionné d'histoire. Il faut saluer le courage des acteurs de s'être frotté à de tels matériaux de personnages !

 



Commenter cet article