la Mort aux trousses (Alfred Hitchcock-1959)
Avant-goût Alfred Hitchcock
montrait là avant lheure combien lidée dune transposition de lespionnage au
cinéma pouvait être énormément innovante. Car pour du film presque total, cest
franchement réussi, surfant entre thriller à huis-clos, suspense de polar et
comédie sentimentale.
Pitch le publiciste Roger Tornhill (Cary
Grant) est enlevé par deux hommes, saoulé puis placé au volant dune voiture
dirigée malicieusement vers un gouffre. Dans un coup de sang il parvient à reprendre
ses esprits et à fuir. Poursuivi, le plan contre lui échoue quand il est
cueilli par la police. Mais sa garde à vue ne sera rien, comparée à ce quil
lui reste à subir. Ses malheurs le placeront au-devant dune vérité quil
cherchera à percer.
Avis Hitchcock aime glisser du
suspense dans du suspense. Comme sil craignait que lintrigue de La Mort
aux trousses ne soit pas suffisamment prenante, il imbrique des séquences
de sueurs froides pures mettant en jeu la vie dun seul et même homme. Lensemble
étant déjà prenant. On pense notamment à la cultissime séquence de
lattaque de lavion rasant et plongeant encore et encore sur un Cary Grant qui
na rien pour sy opposer
Lintrigue est totale, Hitchcock part encore du quotidien
banal dune personne,
quil présente ainsi comme un parfait innocent. Cherchant
à faire réagir le spectateur, il met cet innocent aux prises avec une grande
histoire. Qui échappe longtemps à cet innocent comme au spectateur. Le
meilleur moyen de surprendre encore et encore le spectateur, en lembarquant
dans une affaire digne de John Le Carré. Car cest de cela dont il sagit, Alfred
Hitchcock serait légal cinéma du romancier Le Carré, et non le pseudo
pionnier de la saga ciné James Bond. Il met en image comme personne, des
complexités existentielles dont les issues semblent longtemps bouchées, et dont
les protagonistes sont tous des gens sans failles, sans indices, sans signes. Le
Carré et Hitchcock noyant leur lecteur/spectateur dans un vacarme de suspense.
Bien entendu Hitchcock avait fait ce film avant même que John Le Carré nentame
sa reconversion dagent secret du MI6 pour le brillant romancier despionnage,
et cest un peu là où je veux vous éclairer : Alfred Hitchcock est le
maître du suspense et restera le pionnier du « suspense de haute
sphère » tous supports confondus. En tordant dans tous les sens limage de
son héros, Hitchcock aime à triturer le cerveau du spectateur. En ne donnant
aucun nom à la justice, il aime à enfermer le spectateur. En ne donnant aucune
identité aux ennemis/agresseurs de son héros, Hitchcock aime à maintenir le
spectateur dans cet enfermement intérieur. La Mort aux trousses allie
tout cela, non sans révolutionner glacialement les codes de lennemi, un temps
la femme ici, un temps les gros moyens techniques là (avion). Quant au sens du
mot justice, il devient bien primitif et en même temps intense :
nayant plus de représentants, la justice se fait soi-même... ! Belle
extrapolation aussi du sens des mots vie, oubli et mort. Avec un
homme placé au pied du mur, qui sefforcera tantôt déviter la mort, tantôt de
saccrocher à la vie, tantôt de ruser pour quon ne loublie pas....afin que la
mort qui frappe continuellement à ses carreaux soit une belle mort. Cest
alors que Cary Grant doit rendre la monnaie de sa pièce à un metteur en scène
vicieux. Ce quil parvient lorsquil sagit déviter la mort à tout prix, ce
quil réussit lorsquil saccroche à la vie, notamment son attachement
sentimental à la gracieuse Eva Marie Saint, mais quil manque un peu dès lors
quon lui demande de ruser pour quon ne loublie pas. Une justice sans nom, un
ennemi sans visage, le diptyque mort/oubli, quête dune identité plus noble, autant
de qualités dintrigue pour mieux placer le spectateur au cur des choses. Et
faire quen même temps que le héros se fait justice lui-même, le spectateur y
participe et boue dans son pourtant confortable fauteuil. Cest un peu ça le
talent dHitchcock !
Jeu
dacteurs
Cary
Grant :):):):(
Eva
Marie Saint :):):):)