Mesrine l'Instinct de Mort (J.F.Richet -oct08)
Projet ô combien laborieux, mais emmené au bout. Après 6 ans
de batailles en tous genres menées par Richet, après deux décennies de non
avenus, ou même le combat de Bébel reste vain, Mesrine naît au cinéma. Jean-François
Richet (Assaut sur le central 13) a fait sa grande cuisine comme il lavait
appris aux States des Etats-Unis. Il a
eu les moyens et le fond du scénario dun film que les Ricains auraient
tellement voulu faire (sic). Dans Mesrine ça cogne, ça joue les gros bras, ça
pétarade, ça truande, ça senflamme comme les Ricains samusent à le faire
chaque année, mais il leur a toujours manqué à eux, un bon scénar des familles.
Sous ce corps daction, se cache un cur français : une force de fond à la
française, idéalement orienté thriller, et porté au poil près par Vincent
Cassel. Ce nest ni un divertissement, ni un film sérieux, cest justement
entre les deux, et le jeune public devrait sy retrouver, même si les grands
ont attendus toute leur vie pour que le cinéma redonne à Mesrine ses couleurs
dantan
Des prostituées, un mac planté et enterré vif, un « étaticide » québecois, une écorchée vive ou encore un balourd du réseau. De sales gueules, des paroles aussi épaisses que le sang anémié, des coups et blessures, de linnocence volée sur le bord des routes de cavale sans issue, des balles, des larmes et de la chair. Richet donne un coffre à ce portrait dun Mesrine de lombre, qui petit à petit se met en lumière, et éclaire de plus en plus de monde à mesure quil bourlingue. Ce petit monde là cest un peu nimporte qui, bien que ceux et celles qui retiennent son attention restent les balafrés de la vie, auxquels il leur rende lesperanza. Il les éclaire.
Depuis les parents dont il prend le large pour assurer son
intégrité, à sa femme quil menace dun canon dans la bouche, cest un peu
montre en main, que Mesrine doit cavaler et fuir toujours plus en avant,
toujours plus vite. A ce train de vie, ses amis sont des oiseaux de passage.
Solitude forcée, testostérone, flingue, gain. Un cocktail qui transforme alors
un homme honnête et droit, en monstre. Il retourne toute cette droiture, toute
cette intégrité contre ceux qui veulent intervenir dans sa vie. Et si les
parents et les proches sont relativement ménagés, les autres peuvent
disparaître du jour au lendemain, parce que Mesrine la décidé ou parce que le
sort la voulu. Si Mesrine le décide, cest bien souvent pour gagner de
lespérance de vie, à une époque où son mode de vie ne trouve ni réinsertion
possible, ni évitement de la peine capitale.
Marcher droit avec ses traversLe propos du film se cantonne bien évidemment à donner une
image, un corps et une âme au cercle vicieux quest Mesrine. Le débat sur la
peine de mort nétait pas du tout un chemin de portrait emprunté. Et on le
comprend, personne dans cette histoire, cette époque ne veut être considéré
comme un héros, même malgré eux. Il faut parler de mode de vie, plutôt. Cest
dune conduite, même de travers, dont on parle dans le film. Ou pour être plus
précis, une trajectoire de plus en plus rectiligne allant vers le Néant, dès
lors que les accrocs senchaînent. Richet sest obstiné, et a fini par mettre
la main sur un film que les Américains auraient bien voulu faire. Belmondo
aussi, il aurait bien voulu camper Mesrine. Mais il a jeté léponge en 1983,
après une décade où le rôle sest dérobé sans cesse à lui, les autres ayant
peur quil héroïse le personnage.
380.000 euros pour le scénario
Richet a pu partir dun constat clair. Les écrits de Mesrine
lui-même, afin ensuite de coller au personnage, ou en tout cas, à lintérieur
même du mystérieux Jacques Mesrine. Plus de 380.000 euros déboursés à la
famille Mesrine, et les droits du scénario sont acquis. Reste à trouver
linterprète. Un temps Vincent Cassel, un temps Benoît Magimel, puis non. Cest
Vincent Cassel qui revient sur sa décision, soit lacteur français le plus doué
de sa génération. Pas une maigre loterie, pas un vain combat pour Richet, que
ce Cassel ! Vincent Cassel est là et on ne sen plaindra pas. Le tout est
de se prendre au jeu dun film qui oriente le spectateur du portrait froid, à
la liberté dinterprétation.
Le plus Américain de nos réalisateursUn caïd, on ne sait que peu de choses de lui. Alors Cassel
appose son talent dans le moule écrit par Jacques Mesrine himself. Quand on ne
sait pas, on utilise un parler crédible et sonnant vrai, et on joue sur la mise
en scène ou le montage. Ça aussi, Richet sait faire. Le bougre est aujourdhui
le vrai réalisateur français à laméricaine, quand Michel Gondry ose briser le
moule américain pour lélargir à la démesure de son talent de penseur
contemporain et desthète universel. Jean-François Richet, sa spécialité à lui,
cest quand même le thriller. Faut se le dire. Alors filmer de la pétarade, cest
un peu comme rajouter du grain de sel, sur un plat quil sait cuisiner par
cur. Richet fait montre dun enchaînement magnifique, dans la mise en scène,
dune vitesse de montage idéale, compte-tenu de ce double portrait : le
boulot honnête fout Mesrine de travers / le crime lui préserve ses droits.
Chant du cygne du cinéma US ?Mesrine volet 1 reste un objet rare et fascinant. Richet
pond quelque chose dinédit en France : une idole nationale portraitisée
avec force des moyens techniques et humains (Cassel), un parcours atypique qui
garde lhumanité typique et commune aux autres biographies filmées, il prend
pour base le recueil de Mesrine himself, il refuse dentrer dans le débat de
lhéros/antihéros ou bien/mal. Proposant un film daction pur et dur, aux doux
accents de portrait de vie. Une chose que les Américains nauront jamais !
Ce qui est rare est précieux. Cet OVNI à lenveloppe américaine, sur un cur
français, est un petit échafaud à lui tout seul, vis-à-vis des films US, tout
en reluisant le cinéma à la française. Si le cinéma est par essence universel, il trouve en Mesrine 1 lépousaille de ses
deux cultures les plus fortes : la forme américaine qui fait croire tout
ce quelle veut, le fond français qui ne se hasarde jamais à donner des solutions
aux spectateurs mais veille à lui laisser un libre-arbitre. Cest un peu ce
quon peut appeler le 7ème Art post-moderne, non ? Le résultat
est que le film est commercial, parce que armé pour plaire au plus grand
nombre, mais quil ne triche plus. Ouf ! Sans doute un renouveau en
France ! Ou comment faire du vieux avec du neuf, on va résumer ce diptyque
ainsi.