L.A.Confidential (Curtis Hanson -97)

L.A.Confidential est un film on ne peut plus réussi, quand on prend conscience de sa forte charge scénaristique et de la difficulté de ne pas laisser le moindre spectateur sur le bord de la route... Un pari audacieux que d'adapter Ellroy, dont il se dit dans les arcanes d'hollywood, qu'il est source d'une grande réussite commerciale. Sauf que ses histoires sont complexes, et que ceux qui s'amusent à l'adapter peuvent se casser les dents vite faits, même quand on s'appelle Brian et qu'on dispose du pedigree De Palma, c'est-à-dire LE cinéaste doué. Le retour aux origines de son cinéma, les années 50, furent terrifiantes pour lui, De Palma s'est cassé la margoulette avec son Dahlia Noir.

Une atmosphère puante idéalement retranscrite
Au
milieu de tout ça on a des seconds rôles qui ont la force d'être des
marqueurs temporels : la prostituée de luxe campée par Kim Basinger,
l'ancien flic passé malfrat, les Noirs ghettoïsés au point d'être des
solutions faciles pour faire étouffer une affaire, le mécène propre
dehors mais sale dedans, de son activité de mac. Tout un monde que ce
Los Angeles des fifties, que les policiers sont chargés de réguler ! En
même temps, ces marqueurs temporels sont des rôles à part entière. L'un
comme objet d'enquête, l'autre comme alibi, une autre comme
entremetteuse, un autre comme indic potentiel. Et au milieu de tout
cela, trois policiers sont chargés de faire leur travail. Ils pensent
tous faire le ménage à leur manière, alors qu'ils travaillent à
contre-courant les uns des autres sans le savoir. Forcément, à ville
crapuleuse, police crapuleuse. Et ça non plus, ils ne le pensaient pas
vrai à ce point. Leurs découvertes sont au-dessus de tout soupçon, mais
sans arrêt sues et suivies de près.

Le capitaine Dudley Smith dispose d'un flic "homme de main" pour avancer vite dans les enquêtes qu'il "mène en privé". Crowe fait alors le ménage, croyant agir avec droiture, il ne fait que doubler en permanence son collègue campé par Pearce, qui lui avance vite mais avec le souci du détail et du travail bien fait. Il gêne un peu, en clair, par son intégrité. Et puis on a le sommeilleur sur courant alternatif. Ce fameux flic campé par Spacey qui a oublié pourquoi il voulait être flic. Mais il l'est et le reste, bien qu'il ait du mettre en suspend son professionnalisme pour jouir de la période de corruption. Son intelligence il la place dans les limites de ses investigations : ni aller trop loin pour fâcher personne en haut, ni aller trop bas pour montrer quand même qu'il fait son travail.

Tout ce petit monde là se croise et s'entrecroise, dans ces atmosphères noirâtres où la pénombre rappelle sans cesse que si on croit à l'abri du soupçon, on n'est en définitive à l'abri que de soi-même. L'ennemi est partout : le journaleu DeVito et ses clichés compromettant utilisés à bon escient dès lors qu'il faut mettre au placard un flic un peu trop zélé, un indic qui peut t'enfler aussi sec, une prostituée amie et confidente de ses hommes...nombreux et puissants, et puis toutes les forces de l'ombre qui elles ne se révéleront au grand jour que petit à petit, le plus tard possible. La grande veine du film est là, dans la révélation, autour il y a ces artèrioles qui irriguent cette veine par secousses, en en disant beaucoup mais toujours en gardant un peu sous la main pour gicler à la gueule du spectateur. Et puis il y a ces petits vaisseaux, avec ces empoignades, amourettes, pétarades, bastons, peur panique, audition forcée, qui font de L.A.Confidential le polar le plus réussi de ces 10 dernières années, parce qu'il se nappe d'un grand fond de thriller. L'humain y est en effet bien petit, au beau milieu du microcosme de la City of Angels des années 50, quand il n'est pas immensément puissant lorsque chacun s'ajoute à l'autre, le tout formant une société post-guerre mondiale, puante, maligne et surnaturelle. Cette atmosphère, cette fameuse atmosphère glauque, Curtis Hanson a réussi à la retranscrire. Cerise sur le gateau. Sortez le champagne !!

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